Accueil > ... > Forum 449

« Vers une urbanité sécuritaire »

25 avril 2012, 09:20, par Paul Landauer

Votre article, Monsieur Garnier, est à la fois malhonnête et paresseux.

Malhonnête parce que vous détournez purement et simplement mes propos. J’ai toujours dénoncé et non revendiqué, comme vous le prétendez, l’urbanisme sécuritaire. Mon engagement ne souffre d’aucune ambiguïté dans cette lutte contre les injonctions de protection et de dispersion qui pèsent aujourd’hui sur l’architecture et l’urbanisme. Si mon nom est parfois associé à cette question, c’est bien parce que je suis un des seuls aujourd’hui en France à m’opposer de face aux présupposés sécuritaires qui conditionnent aujourd’hui les projets, là où la plupart de mes confrères se contentent d’intégrer, sans autre forme de procès, des grilles, des dispositifs de mise en mouvement et des postes de surveillance dans leurs bâtiments ou leurs aménagements.

Or c’est bien là que réside la dérive sécuritaire dont souffrent aujourd’hui nos villes et leurs périphéries. Une dérive banale, anonyme, sourde, voire aveugle, qui répand des modes opératoires que personne n’a véritablement théorisé ni même conceptualisé. Les dénoncer suppose donc au préalable de les identifier et d’analyser ensuite leurs effets. Cette réflexion « spatiale » est d’autant plus difficile à mener que de nombreux dispositifs de sécurité sont aujourd’hui masqués au sein d’aménagements ayant les apparences de l’accueil et de l’ouverture. C’est ainsi que la sécurité ne se traduit plus tant par la multiplication des forteresses – à la manière du Los Angeles décrit il y a près de vingt ans par Mike Davis – mais par la mise en place de subtils dispositifs visant à organiser une ségrégation des comportements. D’où une confusion possible entre le raffinement de l’exercice sécuritaire et l’illusion d’un espace public libre de toute entrave. C’est là l’objet des deux premières parties de mon livre L’architecte, la ville et la sécurité (PUF, 2009), la troisième consistant à explorer quelques pistes pour contourner les conditions d’une commande que les pouvoirs publics et les maîtres d’ouvrage, de plus en plus concernés par le risque d’insécurité, passent aux architectes, aux urbanistes et aux paysagistes. Il se termine par un plaidoyer en faveur de l’espace public, celui-ci étant menacé par l’extension du domaine de la sécurité privée.

Vous puisez dans mon texte la description de ce qui se passe – fruit d’un long travail de recherche – pour l’ériger en modèle prémédité et vous attribuer ensuite les mérites de la dénonciation, allant jusqu’à reprendre à votre compte quelques-unes de mes sources (Mike Davis, Zygmunt Bauman) et de mes exemples (Jean Nouvel). Surtout, vous réduisez votre critique à celle d’une manipulation des concepteurs par un Etat policier et répressif qui chercherait à maintenir une oppression sur les classes populaires. Et que faute d’avancer des preuves pour étayer cette thèse, vous avez délibérément choisi de confondre l’analyste avec l’idéologue. J’avais craint, au moment de l’écriture de mon ouvrage, que ma description – nécessaire à la dénonciation – des nouveaux dispositifs de dispersion des foules ne soit détournée au profit des nouveaux experts en sécurité urbaine qui, à la faveur d’une législation imposant depuis 2007 des études préalables, sont en train de développer un nouveau savoir-faire. Je n’avais pas pensé que ce détournement proviendrait d’un autre pourfendeur de l’urbanisme sécuritaire, laissant la place libre aux véritables acteurs qui contribuent à réduire les usages de l’espace public. On ne sait vraiment plus à qui se fier.

Paul Landauer

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.