De la place Tahrir à la place Taksim... CQFD enquête !

Extraits exclusifs de deux articles à l’actualité des plus chaudes du CQFD N°113 actuellement en kiosque. Ne l’oubliez pas, que vous soyez en vacances ou pas, pour que votre été soit aussi ensoleillé que révolté.

Egypte : Révolution, saison 2 ?

En égypte, une expression s’est répandue parmi une partie des manifestants qui ont finalement réussi, avec l’aide de l’armée, à chasser le président Morsi : la « ballotocracy ». Elle désigne cette caste issue des urnes et installée au sommet de l’état, mettant en cause du même coup ce principe qui voudrait qu’une fois les élections passées, chacun rentre chez soi et abandonne le champ politique. « Nous ne risquons pas nos vies juste pour changer de joueurs », affirmait sur CNN le 1er juillet, Khaled Fahmy, bloggeur et professeur d’histoire à l’université américaine du Caire. Le 5 juillet, au lendemain de l’éviction des Frères Musulmans, CQFD a voulu poser quelques questions à Ayman, un des acteurs anonymes de ce vaste mouvement qui affirme que la révolution est loin d’être achevée. Même si à l’heure où nous mettons sous presse, il est difficile d’anticiper sur des développements extrêmement rapides qui pourraient mener le pays à la guerre civile.

CQFD : Comment as-tu vécu ces derniers jours ?

Ayman : J’habite près de la place Tahrir. J’ai passé les trois derniers jours entre cette place et le palais de Etehadeya où Morsi vivait. Avec mes amis, nous avons l’habitude de nous retrouver au café avant d’aller rejoindre les manifestants. Il y a eu immédiatement beaucoup de violence, aussi, nous avons gardé l’œil sur les places pour pouvoir les défendre en cas d’attaque. Ça a été un grand bonheur de voir dix millions de gens dans la rue, mais j’étais aussi inquiet de constater que le soutien de l’armée était d’abord incertain, alors que des affrontements violents avaient lieu entre pro-Morsi et anti-Morsi dans le quartier populaire de Gizeh. Les Frères musulmans ont aussi mené une attaque armée contre les manifestants devant leur quartier général. Nous avons été finalement rassurés de voir que les militaires soient de notre côté et d’entendre leur porte-parole proclamer face au monde entier qu’il soutenait nos revendications de base.

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Taksim place des fêtes : reportage à istanbul

Par Morgan Fache/Collectif Item

En Turquie, une « révolte sentimentale »

Pendant les quinze premiers jours de juin, un large pan de la société turque s’est opposé, dans la rue, à la politique et au mépris du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. CQFD a envoyé un de ses chômeurs heureux sur le Bosphore prendre le pouls de cette révolte inattendue, et recueillir les impressions à chaud de manifestants ayant flirté avec la solidarité et l’auto-organisation. S’ils n’ont pas changé le monde, ils en ont modifié leur vision.

Attablé devant un thé dans un troquet alternatif du quartier de Beyoglu, à Istanbul, Cem – prononcez « Djem » –, turc d’une quarantaine d’années, est catégorique : « C’est le moment le plus fort de ma vie ! » Il s’interrompt un court instant, et concède : « Bon, après la naissance de mon fils. Mais quand même, pour nous tous, c’est une révolution mentale, une véritable libération ! »

Quelques jours après l’expulsion musclée des occupants du parc Gezy et de Taksim – place centrale du quartier européen d’Istanbul –, il est inutile de s’embarrasser de questions. Cem, comme toutes les personnes rencontrées ayant participé à ce grand mouvement populaire qui a secoué la Turquie en juin dernier, parle comme on enfile ici un masque à gaz : tout naturellement. Raconter, décrire, commenter semblent même être une obligation, comme s’il fallait évacuer le trop-plein d’émotions engrangées pendant ces deux semaines de «  luttes magnifiques  ». Chacun oscille entre l’euphorie des journées et des nuits passées « épaule contre épaule, contre le fascisme », la petite dépression post-révolution et la crainte du coup de sonnette policier à 6 heures du mat’. « Je suis en sevrage de lacrymo, plaisante Sonia, une Espagnole vivant à Istanbul depuis quatre ans. C’est un peu comme si j’étais en descente. »

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