Grenelle de l’environnement
Encore de la route !
« L a Direction régionale de l’équipement a organisé en janvier dernier une concertation avec les habitants pour choisir un des trois tracés possibles ! » s’énerve Frédéric Manon du Collectif RN126, opposé au projet d’autoroute qui doit relier Toulouse à Castres, dans le Tarn. « Ils nous demandent de choisir par où elle passera, poursuit-il, alors que la question de l’opportunité du projet n’est pas encore posée ! »
Une « opportunité » que les élus et les entrepreneurs locaux soutiennent ardemment, espérant doper l’activité économique du bassin castrais en le « désenclavant ». Les laboratoires pharmaceutiques Pierre Fabre ne s’y sont pas trompés : selon La Dépêche du Midi du 17 octobre 2007, son directeur général avance que, si son entreprise « a tout fait pour l’instant pour compenser les pertes d’emplois en investissant sur cette région, il lui faut maintenant une bouffée d’oxygène, très vite ». Selon cet herboriste coupe-chiasse, une autoroute permettrait de mieux respirer ! Et l’impact environnemental des 80 kilomètres de bitume déroulés sur les meilleures terres agricoles de la vallée du Girou ne vaut pas tripette face au bon vouloir du principal employeur de la région. « Aménager la route existante, notamment aux endroits les plus dangereux,serait largement suffisant », précise cependant Frédéric Manon.Et plus en phase avec les objectifs du Gredin de l’environnement.
Souvenons-nous… À l’automne dernier, ne nous promettait-on pas de l’air pur en abondance et de la saine verdure à profusion ? « La priorité ne sera plus au rattrapage routier mais au rattrapage des autres modes de transports », s’excitait Nicolas Sarkozy. « C’est fini, on n’augmentera plus les capacités routières », renchérissait le piccolo de l’environnement, Jean-Louis Borloo. Mais ces belles déclarations commencent à dater…
« Dans les conclusions du Grenelle, il est prévu la mise en place d’un nouveau Comité interministériel d’aménagement du territoire afin de rediscuter tous les projets d’autoroute,mais on ne voit rien venir », s’impatiente Anne Parlange, animatrice de la coordination Stop autoroute et membre de France nature environnement. À dire vrai, on voit surtout venir l’embrouille. Depuis que le gouvernement nous promet de réduire drastiquement les émissions de CO2, les projets autoroutiers éclosent comme primevères au printemps. Le défrichage du tracé de l’A65, une autoroute de 150km qui doit relier Pau (Pyrénées-Atlantiques) à Langon (Gironde), a débuté récemment. « La déclaration d’utilité publique a été signée avant le Grenelle, en décembre 2006, donc on ne revient pas dessus », a déclaré un conseiller de Jean-Louis Borloo à l’association Alternative régionale Langon Pau, qui s’oppose activement à ce projet. Son porte-parole, Julien Milanesi, souligne cependant que « le trafic serait très impactant sur l’environnement ». De plus, « d’après les études effectuées, l’autoroute ne serait rentable que si ce trafic explosait ! ». Toutes contradictions avec les objectifs affichés du Grenelle seraient totalement fortuites.
Sur la centaine de projets autoroutiers français actuellement dans les cartons, l’A65 n’est pas la seule à se concrétiser. Début décembre, le Premier ministre François Fillon annonçait l’ouverture de l’A45 entre Lyon et Saint-Étienne pour2015. Le 24 janvier dernier, c’est le contournement de Strasbourg qui a été déclaré d’utilité publique. Et Dominique Bussereau, le secrétaire d’État chargé des Transports, réfléchit activement « à la meilleure manière d’achever l’A831 » reliant Fontenayle- Comte (Vendée) à Rochefort (Charente-Maritime). « La France ne revient pas aux chemins muletiers », rassure-t-il dans une interview donnée au Moniteur Expert le 10 avril.
Même si, exception à la règle, le projet de l’A24 entre Amiens et Lille semble abandonné, la tendance est au « tout bitume » comme l’atteste le projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle présenté le 30 avril.On y apprend que, « réalisée avec discernement, l’augmentation des capacités routières sera limitée au traitement des points de congestion et des problèmes de sécurité ou des besoins d’intérêt local ». Donc, on ne change rien, si ce n’est que « les performances environnementales du fret routier seront améliorées notamment grâce à la mise en place de péages sans arrêt ». Vous voulez sauver la planète ? Appuyez sur le champignon !
Cet article a été publié dans
CQFD n°56 (mai 2008)
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Paru dans CQFD n°56 (mai 2008)
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Mis en ligne le 12.05.2019
Dans CQFD n°56 (mai 2008)
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