Dossier : La mort qui tue
Deuil : Lola, le crabe et les perdants magnifiques
Octobre 2012, Toulouse. Le neurochirurgien de l’hôpital Purpan a été très ferme, sans y mettre les formes : il n’est pas question d’opérer. La saloperie de gliome de grade 3 qui a pris racine dans la petite tête blonde de Lola est mal placée. Et trop grosse déjà.

Mais plus gros encore sont le courage, l’énergie, et la force dont Lola et ses parents – ainsi que leur fils cadet, alors polichinelle dans le tiroir maternel – feront preuve pendant neuf mois. Ils ont combattu ardemment, à grands coups de chimio, de rayons et de vie partagée cette foutue tumeur, ce crabe assez vil pour s’attaquer toutes pinces dehors à une puce de trois ans et demi. Ça a été une guerre, longue, ô combien douloureuse, joyeuse aussi parfois, contre la maladie. Ça a été une guerre… Et nous l’avons perdue, hélas, le 27 mai 2013.
Reste le souvenir de Lola, mais aussi celui d’un immense mouvement de solidarité exprimé spontanément, en dehors de toute structure officielle. Et qui, selon les dires de ses parents, leur a permis de mener au mieux cette lutte acharnée, exténuante, terrible – mais belle et courageuse aussi, à l’image de la gamine. Il ne nous a manqué qu’un peu de chance.
Bien sûr, il y a eu quelques gestes maladroits, qui nous feront marrer encore longtemps. Comme cet oncle qui, après avoir passé quelques jours à Toulouse en compagnie de Lola et de ses darons, est rentré dans ses pénates avec, en poche, la carte Vitale de la minote. Ballot, quand on a un rendez-vous quotidien à l’hosto. Un autre tonton, à qui Lola demandait par téléphone de lui chanter une chanson, a entonné pour déconner L’Internationale. Sauf que le refrain débute, comme chacun sait, par : « C’est la lutteuuuu finaaaleuuu… » C’est surtout la boulette.
Mais, avant tout, resteront en mémoire tous ces soutiens indéfectibles, variés, parfois saugrenus, qui ont permis de lutter et tenir jour après jour : ceux qui ont envoyé courriers, mails et cadeaux sans compter ; ceux qui ont rendu moult visites ; les amis de parents d’amis qui ont prêté une maison à Toulouse pour que Lola puisse suivre ses soins quotidiens ; ceux qui ont astiqué et aménagé cette bicoque ; ceux qui ont prié et fait prier dans leurs églises ; ceux qui ont terminé les travaux dans la maison ariégeoise de Lola ; ce copain artisan qui gonflait ses devis pour prélever un « impôt » reversé ensuite aux parents de la gamine ; ceux qui ont écrit depuis l’autre bout du monde ; ceux qui sont venus manger, boire et blaguer ; ceux qui, tous les soirs, imploraient d’hypothétiques ondes telluriques ; ceux qui ont cuisiné et apporté des mets ; ceux qui ont envoyé des chèques à deux, trois, voire quatre chiffres ; ceux qui ont pleuré et ceux qui ont retenu leurs larmes ; ceux qui ont passé l’aspirateur ; ceux qui ont joué et rigolé avec Lola ; ceux qui lui ont tenu la main ; ceux qui ont tenté de la soigner sans compter…
Ça a été une guerre, longue, ô combien douloureuse, joyeuse aussi parfois, contre la maladie. Ça a été une guerre, et nous l’avons perdue. Lola est morte.
Mais nous sommes, tous ensemble, des perdants magnifiques.
Le dossier "La mort qui tue"
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Cet article a été publié dans
CQFD n°126 (novembre 2014)
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Paru dans CQFD n°126 (novembre 2014)
Dans la rubrique Le dossier
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Mis en ligne le 29.12.2014
Dans CQFD n°126 (novembre 2014)
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