Causerie au coin des flammes

Mort à la démocratie

Les archives de CQFD : n°44.
En avril 2007, CQFD publiait cet entretien avec Léon de Mattis. Dix ans plus tard (déjà !) nous préparons un dossier spécial "Fatigue démocratique" pour le mois prochain. Souvenirs !
« Ce livre ne doit pas être compris comme une prise de position en faveur de l’abstention ou de la non-inscription sur les listes électorales. L’abstention n’est pas plus impérative que le vote n’est un devoir.  » Dans son essai Mort à la démocratie1, Léon de Mattis va au-delà du faux débat qui se résume à un « élections pièges à cons ». C’est le principe même de la démocratie qui est ici attaqué. Entretien.
Par Berth.

CQFD : Le point de vue antidémocratique est en général celui de ceux qui dominent soit en affirmant que leur pouvoir est de droit divin soit en pratiquant la plus grande brutalité. En quoi ta critique de la démocratie se différencie-t-elle de ces conceptions-là ?

Léon de Mattis : La critique de la démocratie est aussi une tradition libertaire, et il est évident que c’est de ce coté-là que se situe la mienne, même si je ne me définis pas comme un « anarchiste ». Et je renvoie dos-à-dos le point de vue démocratique et celui, antidémocratique, qui défend la force ou le droit divin comme ayant en commun d’être des théories du pouvoir de l’État, donc de l’oppression.

Ta critique s’en prend à la démocratie en tant que telle ou bien à ce qu’elle est devenue aujourd’hui ?

Toute critique, à mon sens, n’est intéressante que si elle critique ce qui existe réellement. Il va donc de soi que la critique de la démocratie est une critique des conditions contemporaines de la démocratie, de ce qu’on entend habituellement, actuellement, par le terme « démocratie » - donc la démocratie élective, représentative, parlementaire, telle qu’on la voit fonctionner par exemple en France au cours de cette élection présidentielle. Cependant, j’ouvre aussi le débat sur la critique de ce qu’on appelle parfois la « démocratie directe », car, à mon sens, il ne s’agit le plus souvent que de singer les procédures de la démocratie étatique en en reproduisant les tares (formalisme, magouilles, etc.).

Pourquoi, quand on critique la démocratie, est-on tout de suite diabolisé ?

Le pire sera toujours là pour nous faire filer doux. Choisissez Royal sinon c’est Sarkozy, choisissez Chirac sinon c’est Le Pen, choisissez la démocratie sinon c’est Hitler, etc. Je crois qu’ainsi l’État a réussi son chantage, qui est de dire « contentez-vous de la démocratie sinon vous aurez la tyrannie ». Toute critique de la démocratie est présentée comme faisant le lit de la dictature. Mais attention : nous abstenir de critiquer la démocratie ne nous épargnera pas pour autant la dictature, si la nécessité s’en fait un jour de nouveau sentir pour sauvegarder à tout prix le pouvoir des puissants.

Qu’est-ce qui pourrait remplacer ces permanentes injonctions à « respecter la démocratie » ?

Ce qui revient à demander : « qu’est-ce que tu proposes à la place ? » Une chose est sûre, il ne peut pas s’agir d’un autre mode d’organisation du pouvoir puisque c’est le pouvoir lui-même qu’il faut dissoudre. Il faut donc déjà éliminer le « cratos » (le pouvoir) du terme démocratie. En fait, je ne pense pas qu’il faille un mot unique pour désigner le processus qui permet d’aboutir à une décision collective, car justement il n’y en a pas forcément qu’un seul de possible, et c’est là toute « l’erreur » du formalisme démocratique, de croire que la manière d’organiser une discussion collective préexiste à la discussion elle-même.


1 Léon de Mattis, Mort à la démocratie, L’Altiplano, 2007.

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Cet article a été publié dans

Les échos du Chien rouge

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