Vox Poetik #13 – Ossip Mandelstam

« On entend seulement le montagnard du Kremlin »

Mortibus et inutile la poésie ? Que nenni. Cette chronique « Vox Poetik » reviendra régulièrement vous le seriner en vous proposant des extraits qui nous hérissent les chakras. Treizième salve, un uppercut du poète Ossip Mandelstam daté de 1933, véritable démolition par les vers du tout-puissant Staline, qui valut à son hauteur la déportation puis la mort.

Parfois la poésie est un monument de courage,
Un cri de défi qui continue à résonner dans l’histoire,
À l’image des 16 vers de « l’épigramme contre Staline » qu’écrivit Ossip Mandelstam en 1933,
Qui collent comme un gant au nouveau sanglant satrape de Russie.

Le poète russe paya très cher son attaque frontale contre le « Montagnard du Kremlin  » et ses supplétifs de la Tchéka,
Forcé à l’exil puis condamné aux travaux forcés, il meurt en 1938, son corps jeté dans une fosse commune près de Vladivostok,
Peu avant, il consacra ces vers à ses bourreaux : « En me privant des mers et de l’élan et de l’aile, / En donnant à mon pied l’assise de la terre violente, / Qu’avez-vous obtenu ? Brillant calcul : / Vous ne m’avez pas pris ces lèvres qui remuent. »

Épigramme contre Staline

« Nous vivons sourds à la terre sous nos pieds,
À dix pas personne ne discerne nos paroles.
On entend seulement le montagnard du Kremlin,
Le bourreau et l’assassin de moujiks.
Ses doigts sont gras comme des vers,
Des mots de plomb tombent de ses lèvres.
Sa moustache de cafard nargue,
Et la peau de ses bottes luit.

Autour, une cohue de chefs aux cous de poulet,
Les sous-hommes zélés dont il joue.
Ils hennissent, miaulent, gémissent,
Lui seul tempête et désigne.
Comme des fers à cheval, il forge ses décrets,
Qu’il jette à la tête, à l’œil, à l’aine.
Chaque mise à mort est une fête,
Et vaste est l’appétit de l’Ossète.
 »

Précédents épisodes Vox Poetik :
#1 : « Je crache sur votre argent en chien de fusil » (Gaston Miron)
#2 : Le toast de l’ami italien (Erri de Luca)
#3 : « Aux personnes qui me merveillent » (Valérie Rouzeau)
#4 : « Des têtes de fromages de tête » (Jacques Prévert)
#5 : « Paix sur la terre aux pommes de terre » (Brigitte Fontaine)
#6 : « Les dieux sont au PMU » (Kae Tempest)
#7 : « Un endroit où Billy The Kid peut se cacher quand il tire sur les gens » (Jack Spicer)
#8 : « Non, non, pas acquérir » (Henri Michaux)
#9 : « Des bêtes vivent sur nos visages » (Laura Vazquez)
#10 : « Des larmes de honte et de boue » (Boris Vian)
#11 : « Au fou, au fou ! » (Raymond Asso & Damia)
#12 : « La paix a un cancer du poumon » (Maung Day)

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