L’édito du 182

Un an après

« En même temps, on a été un peu débiles, ma couille. Comment on a pu croire que la colère sociale allait s’éteindre ? » (Emmanuel Macron à son confesseur, 20 mai 2020, quelques heures avant son bannissement aux îles Kerguelen)

5 décembre 2020. Un an déjà. Qui l’aurait cru ? OK, il y avait en cet automne 2019 un maousse embouteillage de colères : les Gilets jaunes, les profs, les précaires, les cheminots, les personnels de santé, les étudiants, les agriculteurs… Yep, la colère était à son top, fulminante, éructante. Mais bon : était-ce la première fois ? Nope, et de loin : la bouillie politique néolibérale, on y clapotait en toute rage domptée depuis mille ans, au moins. La routine. Et pourtant : là, ça a décollé. Et pas qu’un peu.

« Les fous sont lâchés, fallait les buter dès le début, ma parole », a bramé Christophe Barbier sur BFM-TV le 17 décembre. Le même jour, Laurent Berger demandait l’asile politique à Monaco pour l’ensemble de la direction de la CFDT. Les rats quittaient le navire, conscients que quelque chose avait pris. Pas seulement un mouvement émeutier, avec vitrines de banques explosées et caméras de surveillance tombant comme des châtaignes vérolées, mais un embrasement collectif constructif, aux ramifications inattendues. Il n’était plus seulement question de retraites, mais de tout un système nous pourrissant la vie.

Partout, sur les ronds-points, au sein des facs, sur les places, des assemblées bruissantes de discussions enflammées. Dans les hôpitaux, dans les lycées, dans les centres commerciaux, on refaisait le monde, on virait les managers, on sabrait les gros salaires, on s’organisait en comités, sous-comités, sous-sous-comités. Et on chantait, ma gueule, à pleines gorges vibrantes, plus allumés que des pinsons de mai. Jusqu’aux commissariats qui débordaient de joie et de paillettes, réquisitionnés pour l’effort de fête.

Ce 5 décembre et dans les mois qui ont suivi, on est beaucoup à s’être demandé comment on avait pu rester si sages tant de temps, alors qu’en face ils nous tricotaient un monde d’une désespérance à hurler. Cynisme ? Confort des chaînes ? Dur à dire. En tout cas, la bascule a été rapide. On était des moutons dans leur bocal, blub blub, et voilà qu’on était des lions. Pas des monstres assoiffés de sang, hein, simplement des individus unis décidés à reprendre leur destin en main. Leurs vieux tours de passe-passe moisis (c’est la faute aux immigrés, la compétitivité über alles, Brigitte couche avec Bernard Montiel…) ne prennaient plus, parce qu’enfin on avait récupéré un cerveau collectif. Pour mot d’ordre : on reprend tout à zéro. Dieu ? C’est nous. Le père Noël ? Aussi.

Un an après, on sabre le mousseux au local. Aux murs, quelques slogans piqués aux grands moments de l’année passée : « Macron suce les pingouins » ; « Autogestion partout, jusque dans ton slip ». Et notre préféré, création de la Coopérative laitière libérée d’Ambert (Puy-de-Dôme) : « À fond la fourme ! » Dès ce bouclage terminé, on file à l’hôtel de ville pour la réunion du soviet de Marseille, avec à l’ordre du jour la reprise en main du système médiatique. Paraît qu’ils veulent nous refiler les bureaux de LCI. Nous, on a déjà tranché : pas moyen.

L’équipe de CQFD

PS : Édito non contractuel.

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