L’édito du n°239
En Bayrou libre
Des années à bouffer à tous les râteliers en priant pour le trône et pile au moment où, miracle, du RN au PS, tous te mangent dans la main, bam ! Retour de karma. C’est pas juste ! Une véritable cabale politique orchestrée contre François Bayrou par LFI et Mediapaaaart, pleurnichent éditocrates et toutologues de plateau. Et le Premier ministre de jurer « croix de bois croix de fer ! » qu’il ne savait pas. Sauf que si, il savait. Il savait pour le père Carricart, pour les sévices, pour la centaine d’agressions sexuelles perpétrées depuis les années 1950 au sein du collège-lycée Notre-Dame-de-Bétharram. Il savait, et il ne s’est pas contenté de se taire : il a défendu l’institution. « Élites pédophiles ! » hurleront les conspis frappés du ciboulot. Violences systémiques, silenciation et copinage catho-notables, répondrons-nous.
Car c’est ce qui frappe dans cette insupportable séquence : le silence, non pas de l’Église (cela ne surprend plus guère), mais de l’État lui-même. Quand en 1993, la préfecture des Pyrénées-Atlantiques apprend que l’établissement est condamné, après qu’un jeune ait reçu une claque si brutale qu’il en perd l’audition. Quand en 1996, le parquet de Pau est alerté de violences sexuelles sur des élèves de sixième. Quand en 1998, 2000 et 2005, le ministère de la Justice est informé de quatre plaintes pour viols contre Carricart et des laïcs, on est en droit de se demander : mais bordel, que fait l’Éduc nat ?
Et on ose nous dire que l’islamophobie d’État n’existe pas ?
L’Éducation national, bien sûr qu’elle contrôle les établissements scolaires, mais surtout quand ils ont le mauvais goût d’être musulmans. À Lille, par exemple, le lycée Averroès (privé sous contrat) a pris cher parce qu’en 2019, le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand a lu un livre. Et qu’il est depuis persuadé que, grâce à un financement du Qatar perçu en 2014, l’établissement lillois promeut un islam politique en Europe. Il n’en faudra pas plus : suspension des financements de la Région, inspection puis, en 2023, rupture du contrat d’association avec l’État (la première depuis 30 ans !) Et peu importe si le rapport d’inspection remis à Xavier Bertrand en 2020, particulièrement positif, décrivait le lycée comme « le seul dans le paysage éducatif français, à allier une conception musulmane de l’éducation à l’enseignement des valeurs républicaines. » (sic !)
Et pour Bétharram alors ? Et pour le très élitaire lycée catho Stanislas dont le rapport d’inspection, accablant, pointe les « dérives dans l’application du contrat d’association », le climat sexiste et « propice aux risques d’homophobie » ? Ils passent entre les gouttes. Et on ose nous dire que l’islamophobie d’État n’existe pas ? Comment il disait, ce bon vieil Averroès (de son vrai nom Abou al-Walid ibn Rochd ; CNews en PLS), déjà ? Ah oui : « L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence. Voilà l’équation. »
Cet article a été publié dans
CQFD n°239 (mars 2025)
Dans ce numéro, un dossier « Vive l’immigration ! » qui donne la parole à des partisan·es de la liberté de circulation, exilé·es comme accueillant·es. Parce que dans la grande bataille pour l’hégémonie culturelle, à l’heure où les fascistes et les xénophobes ont le vent en poupe, il ne suffit pas de dénoncer leurs valeurs et leurs idées, il faut aussi faire valoir les nôtres. Hors dossier, on s’intéresse aux mobilisations du secteur de la culture contre l’asphyxie financière et aux manifestations de la jeunesse de Serbie contre la corruption.
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Paru dans CQFD n°239 (mars 2025)
Dans la rubrique Édito
Par
Illustré par Tommy
Mis en ligne le 07.03.2025
Dans CQFD n°239 (mars 2025)
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