Vacances antisociales
La loi El Khomri à la plage
La scène n’aura pas duré plus d’une demi-heure. Sur les quais du port de plaisance, entre une brocante à prix d’or et les voiliers rutilants des rupins aux pulls roses noués en écharpe, les syndicalistes CGT ont posé leur stand rouge avec tracts et drapeaux. Soudain, une horde vociférante a déboulé de nulle part : « Cassez-vous, la CGT, pas de ça chez nous ! » Il s’agissait d’une quinzaine d’hommes, certains visiblement éméchés, des gérants avec leurs employés invités à défendre le clan de la restauration. Parmi eux, une femme seulement, surexcitée, jubilait, sautait, attisait l’agressivité de ses comparses, à mesure que sa couperose tournait au violet : « Vas-y mon Gégé, montre-leur ! » L’un deux a exigé de voir l’autorisation de la mairie. Justement, il était là, le maire, depuis le début. Avec sa moustache blanche en tablier de sapeur, ses trois paquets de clope à la main, il passait par là en revenant du bureau de tabac situé derrière.
– « C’est vous le maire ? », s’est mis à hurler un petit rougeaud à la face de l’élu.
– « C’est moi. Pourquoi êtes-vous agressif ? Oui, ils ont l’autorisation. »
– « Hé ben, autorisation ou pas, on vous le démonte, nous, votre stand », a décrété un des types, crâne rasé, sec comme un coup de trique et visiblement en surconsommation d’alcool comme d’adrénaline.
Tonnerre de joie et de clameurs, alors que les bras se sont emparés du barnum pour le renverser. Les camarades de la CGT, pourtant en nombre et en meilleure forme, ont choisi de ne pas s’interposer, ont même tenté d’établir un dialogue : peine perdue. Les hurlements sont repartis de plus belle : « Vous avez foutu en l’air l’économie ; nous sommes parmi les derniers du monde aujourd’hui. » De la voiture de police municipale arrivée pour mettre fin au trouble à l’ordre public est sortie une jeune femme qui a déclaré doucement mais fermement vouloir remonter le stand. Mais le premier magistrat de la commune a décidé de laisser faire, souhaitant sans doute éviter de se mettre à dos les commerçants. Bruno Bothua, secrétaire général du syndicat dans le Morbihan, dira qu’en quinze ans d’action syndicale, il n’avait jamais vu ça. Et la restauratrice qui faisait tout à l’heure monter la testostérone de ses amis d’en rajouter une couche : « M. le maire, vous le savez, à cause d’eux, personne n’est venu à la fête des mères. » L’édile a alors concédé que son projet de construction d’un immense parking sur le port (presque vide ce jour-là) avait pris du retard à cause des « blocages ».
Un tel niveau d’exaspération s’explique par les choix de développement dans ce coin de Bretagne : tout pour le tourisme, en particulier s’il est argenté. 12 000 emplois en Bretagne sud, 1 500 (les deux tiers dans le secteur hôtellerie-café-restauration) dans la seule presqu’île de Rhuys où se situe le port du Crouesty, on ne va pas cracher dessus. D’autant moins dans une zone qui glisse peu à peu vers le modèle costazuréen avec une population essentiellement composée de retraités aisés. Ainsi Saint-Gildas, autre commune touristique de la presqu’île, compte 1 750 habitants à l’année (dont la moitié a dépassé les 60 ans) mais accueillent 22 000 personnes l’été. L’économie du tourisme étant de plus en plus fragile, les estivants doivent être soignés à grands renforts de montée en gamme, de qualité de l’accueil, d’adaptation de ce qui reste de la population autochtone à leurs moindres caprices. Même si cela exige de s’asseoir sur les droits élémentaires des saisonniers.
Cet article a été publié dans
CQFD n°146 (septembre 2016)
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Paru dans CQFD n°146 (septembre 2016)
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Illustré par ferri
Mis en ligne le 19.09.2016
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20 septembre 2016, 07:20, par nours77
Boulets... J ai le souvenir de commerçants bretons, il y a quelque temps, qui se plaignaient du bruit de la surpopulation sur les routes du centre ville et qui avait demander a ce que le centre ville soit moins envahie de touriste... Les pouvoirs publiques ont obtempéré (en Bretagne cela explose facilement...) et construit une rocade contournant la ville... Peut de temps après, on a revu les mêmes hurluberlues, se plaindre qu il n y a plus personne et que les commerces périclitaient... Maintenant affichant sur la rocade, "Village étape, Venez nous voir svp !" récolté donc ce que vous avez semé... J en suis un, cependant un seul mot me vient après la lecture de cette article... Boulets ! Il était certain que le tourismes allait péricliter... Le fait divers de Nice du 14 juillet, les différents attentats et la polémique burkini, on largement suffit a effrayer le touriste (les anglais sont partie et ne reviendront pas sans passe port, les asiatiques et leurs facekini sur nos plage, je n ose imaginer ce que cela aurait donné cette été...). Remercier donc le gouvernement qui a défaut de débat politique ont tous misés sur le terrorisme et l islamophobie... Les quelques manifestations de la loi travail (13 ou 14, en 4 mois) n y sont a mon humble avis pas pour grand chose, en ce qui concerne le tourisme.