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Viva la muerte

Henry Kissinger (1923-2023)


paru dans CQFD n°226 (janvier 2024), rubrique , par Iffik Le Guen
mis en ligne le 19/01/2024 - commentaires

Catégorie : centenaire et sans scrupules Mort : dans son lit le 29 novembre 2023

« J’veux te raconter Kissinger / l’histoire d’un de mes amis / son nom ne te dira rien il était chanteur au Chili / ça se passait dans un grand stade / on avait amené une table / mon ami qui s’appelait Jara / fut amené tout près de là / on lui fit mettre la main gauche / sur la table et un officier / d’un seul coup avec une hache / les doigts de la gauche a tranché. » Les paroles de la « Lettre à Kissinger » (1975) de Julos Beaucarne tranchent encore avec le concert d’oraisons funestes entonné, le 30 novembre dernier, après l’annonce de la disparition du « docteur Kissinger ». À l’unisson avec Washington, Londres, Moscou, Pékin ou Tel-Aviv, le communiqué de la présidence française vante « l’intelligence hors norme » du « diplomate le plus déterminant de sa génération », incarnant à lui tout seul « l’expression la plus forte du rêve américain ». Guère surprenant de la part d’un pouvoir macronien qui impose son programme néolibéral à grands coups de LBD et de tonfa.

1970. Les États-Unis sont engagés sur tous les fronts contre l’empire du mal soviétique. Au Vietnam, la guerre s’enlise depuis 8 ans. Pour amener l’ennemi à la table des négociations en position de faiblesse, Kissinger, conseiller à la sécurité nationale du président Nixon, recommande d’étendre les tapis de bombes au Cambodge et au Laos, États souverains présentés comme les bases arrière de la guérilla Viet Cong. Bilan : l’avènement d’un nouveau genre cinématographique à Hollywood, mais, avant cela, un conflit sanglant inutilement prolongé de cinq ans avant l’humiliante évacuation de Saïgon et une déstabilisation régionale qui aboutira à l’arrivée au pouvoir du régime génocidaire des Khmers rouges à Phnom Penh. Pour ce trait de génie philanthropique, il reçoit le prix Nobel de la paix en 1973. Toujours à l’affût d’une bonne action, ce « penseur exceptionnel » (dixit Macron encore) soutient l’Indonésie dans son entreprise d’annexion du Timor oriental (200 000 morts), puis le Pakistan contre les velléités d’indépendance du futur Bangladesh (3 millions de morts). Plus récemment, à la tête de son très rémunérateur cabinet de conseil, il soutient l’occupation de l’Irak (100 000 morts), puis la stratégie panrusse de Poutine jusqu’au déclenchement de « l’opération spéciale » (100 à 200 000 morts pour l’instant), avant de demander, tel un docteur Folamour (un de ses surnoms), l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN. Chapeau, l’artiste !

Mais son coup de maître reste le renversement et l’assassinat du président chilien Salvador Allende en 1973, point d’orgue d’une mise au pas des mouvements progressistes latino-américains par des dictateurs à la solde de l’administration états-unienne (opération Condor). En dépit des commissions d’enquête, des documents déclassifiés et même d’une convocation par un juge français en 2001, l’affreux meurt dans son lit. Satan l’aurait accueilli ainsi : « Kiss my ass, Kissinger ! »

[/Par Iffik Le Guen/]



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