Mecs dans les luttes de meufs

« Not all men » ?!

Une bonne résolution pour la nouvelle année ? Lire ou offrir le dernier ouvrage de Francis Dupuis-Déri, Les Hommes et le féminisme – Faux amis, poseurs ou alliés ? Une boite à outils critique sur un engagement politique qui ne va pas de soi.
Une illustration de Audrey Esnault

Dans Les Hommes et le féminisme – Faux amis, poseurs ou alliés ? (Textuel, 2023), Francis Dupuis-Déri revient de manière didactique sur un engagement qui ne va pas de soi : celui des hommes proféministes. Faut-il les considérer comme féministes, proféministes, alliés – à moins qu’ils n’aient rien à faire dans les luttes des meufs ? Il y a débat à l’interne des milieux féministes sur les manières d’accepter (ou non) cette démarche. Après avoir posé des bases historiques et politiques, l’auteur met en avant quelques exemples d’hommes proféministes de par le monde pour « contrer l’illusion que seuls les hommes blancs fortement éduqués d’Europe et d’Amérique du Nord seraient suffisamment civilisés pour appuyer l’émancipation des femmes ». Il fait ensuite l’histoire d’un engagement bourré de contradictions, d’échecs et de trahisons. Prises de pouvoir, opportunisme, rapports de séduction, stratégies de valorisation… Les féministes se méfient de nous, et elles n’ont pas tort. Mais alors, que faire ?

Dupuis-Déri nous fournit pistes concrètes et conseils. Cela passe en premier lieu par le fait d’écouter activement, d’apprendre et de s’éduquer par soi-même – c’est-à-dire sans se reposer sur les féministes. Viennent ensuite la remise en question de ses propres privilèges (en termes de pouvoir, d’autorité…), la mise au ban des « bonnes intentions » qui servent trop souvent à se dédouaner des conséquences de nos actes, ou encore la lutte contre la solidarité masculine. Tout un programme que l’auteur traduit en pratique, en nous invitant à nous poser régulièrement cinq questions : « Est-ce que vous savez ce que la femme à qui vous parlez sait sur le même sujet ; quand elle parle, est-ce que vous écoutez ce qu’elle est en train de dire ou êtes-vous simplement en train de répéter votre prochaine réplique ; est-ce que vous universalisez à propos de vos propres expériences et sentiments ; est-ce que vous lui expliquez sa propre expérience ; est-ce que vous savez vraiment de quoi vous parlez ?  »

Cerise sur le gâteau, l’ouvrage se termine par la réédition du « Petit guide de disempowerment1 », dont on laisse l’auteur nous résumer le message : « Il faut (1) se rappeler que nous ne sommes que des alliés, des auxiliaires ou des complices des féministes ; ce qui signifie être (2) attentifs aux besoins des féministes ; (3) s’informer auprès d’elles avant d’agir et se donner les moyens de répondre à leurs attentes lorsqu’elles nous sollicitent ; (4) tout en restant conscients que nos actions (ou notre inaction) peuvent toujours avoir des conséquences négatives, à tout le moins pour certaines femmes et féministes. » Autrement dit, les pièges sont nombreux, les erreurs inévitables et les critiques vont nous parvenir de tous les côtés, ça pique et c’est normal – et pas une raison pour le prendre personnellement, même si on galère à remuer notre merde2.

Par Jonas Schnyder

1 Initialement publié par la revue québécoise Possibles, vol.38, n°1 (2014), sous le titre « Petit guide de “disempowerment” pour hommes féministes ».

2 Du nom de la bibliothèque en ligne : remuernotremerde.poivron.org.Merci à la copine qui m’a fait découvrir ces ressources.

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1 commentaire
  • 15 janvier, 22:27, par yeun l-y

    merci pour ce compte-rendu. Andrea Dworkin a fait une intervention incontournable auprès d’hommes proféministes, c’est ici : https://tradfem.wordpress.com/2014/...

Cet article a été publié dans

CQFD n°226 (janvier 2024)

Dans ce numéro de janvier, on essaie de ne pas se laisser asphyxier par l’info. Au programme, on décortique l’antisémitisme à gauche et on tend l’oreille vers la réception de la guerre en Palestine aux Etats-Unis. On fait le point sur le mal-logement qui grimpe, mais on parle aussi des luttes locales pour reconquérir l’urbanisme et nos villes et on se balade au Salon des minéraux, un exemplaire de Barge dans la poche.

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