George Armstrong Custer (1839-1876)
Mort : violente
Il faut rendre grâce ici à nos frères de sang de l’excellent Article 11, dans leur opus n°5, pour s’être fendus d’un texte drôle et incisif explicitement intitulé : « Crachons sur la tombe du général Custer avec Johnny Cash ». Comme un hommage anticipé à la raison d’être de la présente chronique. Et à Johnny Cash qui, pour être américain et presque blanc (il se réclamait dans ses bons jours d’une ascendance cherokee), n’en était pas moins lucide. Aux milliers de guerriers sioux et cheyennes qui, dans le défilé de Little Big Horn, ont mis un point final à la carrière du général Custer, illustrissime tueur de squaws et de papooses. Brute galonnée à la blonde chevelure de « cereal killer », élevé au rang de « grand pacificateur » des terres indiennes par une presse déjà à la botte et toujours prompte, dans la grande tradition de la saga de l’Ouest, à imprimer la légende plutôt que la vérité, Custer ambitionnait de se présenter à la présidence et spéculait sur une victoire contre les natives pour lancer sa campagne. Raté.
Sa veuve, qui a contribué largement à l’édification de sa légende en lui consacrant pas moins de trois livres à succès, ainsi que l’éclairage récent de travaux d’historiens qui le dédouanent d’avoir jamais prononcé la célèbre phrase, « Un bon Indien est un Indien mort » (à mettre au crédit désormais du général Sheridan, son supérieur hiérarchique), imposeront pour longtemps l’image sulpicienne du Custer’s last stand. Le si télégénique George Armstrong, frappé de multiples flèches, tombant le dernier sur les cadavres des soldats héroïques du 7e de cavalerie. L’excellent Arthur Penn, du temps où il était un cinéaste exigeant, sans la moindre sympathie pour l’icône qu’il peint avec quelque raison dans son cultissime Little Big Man, comme un dangereux paranoïaque, reprendra lui aussi cette image mais pour la détourner et mieux rendre compte de la pathologie du personnage. « Il passe pour un héros, mais pour moi c’est un zéro », chante en écho l’homme en noir qui parle cash.
Custer aussi avait un grand ami en la personne d’une autre légende de l’Ouest, William Cody, plus connu sous le nom de Buffalo Bill pour s’être acharné à faire subir aux bisons le traitement que l’on infligeait aux Indiens. On raconte qu’à la nouvelle de la défaite de Little Big Horn, le fidèle William aurait sauté sur son cheval, attrapé le premier peau-rouge qui passait par là et l’aurait scalpé sans préavis en s’exclamant : « Et un pour Custer ! ». Mais il s’agit sans doute d’une légende…
Le massacre de Washita
La légende, toujours, a commencé à l’hiver 1868 alors que le lieutenant-colonel Custer, sur le point d’être nommé général, reçoit pour mission du général Sheridan l’expulsion manu militari des Cheyennes des territoires du Kansas et de l’Oklahoma. Au matin du 27 novembre, Custer et ses 800 cavaliers arrivent en vue d’un gros village cheyenne en bordure de la rivière Washita. C’est le village du chef Black Kettle, déjà victime quatre ans auparavant de l’épouvantable massacre de Sand Creek. Black Kettle est un chef réputé pour avoir toujours essayé de maintenir son peuple dans la paix. Il s’avance vers les soldats pour parlementer. Mais il est trop tard. Les hommes de Custer chargent le village et tirent sur tout ce qui bouge, tuant hommes, femmes et enfants qui tentent désespérément de fuir dans la neige. Peu en réchapperont. Black Kettle est tué avec sa femme en essayant de franchir la rivière. Plus de 140 corps gisent dans une mer de sang. Custer fait incendier le village et les réserves de nourriture, abattre les 900 poneys des Indiens, libérer deux captifs et emmener une cinquantaine de femmes et d’enfants.
Mais les soldats yankees doivent se retirer promptement. Les rumeurs du combat et la fumée de l’incendie ont alerté d’autres villages et des centaines de guerriers cheyennes et arapahos convergent vers les berges de la Washita river. Un détachement conduit par le major Joel H. Elliot est chargé de couvrir la retraite. Le major et ses hommes seront tués jusqu’au dernier et Custer traduit devant un conseil de guerre pour ne pas leur avoir porté secours. Il fut acquitté, mais reçut un blâme du président Grant, en partie semble-t-il pour cette boucherie accomplie de sa propre initiative. Les journaux de l’époque furent cependant bien moins critiques qui firent du blond général un héros venu à bout « d’une horde de sauvages ». Ce haut fait d’armes le rendit très populaire auprès des fermiers de l’ouest en ce « qu’il écartait la menace indienne » et « repoussait la frontière ». L’Ouest, livré au chaos, devint rapidement le lieu de tous les trafics et la terre d’élection des chasseurs de scalps. Une chevelure indienne se négociait jusqu’à 100 dollars chez les bourgeois de la Côte est. Un sein de squaw, entre 3 et 5 dollars.
Cet article a été publié dans
CQFD n°122 (mai 2014)
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Paru dans CQFD n°122 (mai 2014)
Dans la rubrique Viva la Muerte !
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Mis en ligne le 23.06.2014
Dans CQFD n°122 (mai 2014)
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