Catégorie : Idéologues mortifères.
Mort : dans son lit le 16 novembre 2006.
« Le monde a perdu un vrai géant et un défenseur infatigable de la liberté. »
Arnold Schwarzenegger, gouverneur républicain de Californie.
On serait tenté de croire que cette homélie n’est pas celle d’un économiste mais plutôt d’un vaillant résistant de la deuxième guerre mondiale terrassé les armes à la main. D’autant que Schwarzenegger n’est pas le seul à employer de tels superlatifs. Des dirigeants aussi renommés que Thatcher ou Bush ont également usé de ce registre, la Dame de fer pleurant de conserve la disparition « d’un combattant de la liberté ». L’ex-président US, quant à lui, honore une « vision qui a changé l’Amérique et qui est en train de changer le monde ». Et c’est bien là le problème. Avec des pandémies de la pensée d’une telle portée, la mort n’est malheureusement pas un frein à la propagation d’une idéologie réactionnaire dont les effets dévastateurs se font concrètement et quotidiennement sentir aux quatre coins de la planète. Une philosophie politique toute entière consacrée à la liberté, il est vrai, mais surtout à celle du renard dans le poulailler. Et du commerce en particulier, moteur absolu du progrès humain. Ce qui n’empêche pas Milton de clamer que « la responsabilité sociale des entreprises est d’accroître leurs bénéfices ». Droits humains, égalité, fraternité, solidarité, justice, autant de concepts parfaitement secondaires pour un homme qui déclarait que « la main invisible du marché a plus fait pour le progrès que la main visible de l’État pour le retour en arrière ». Dérégulation des marchés, démantèlement des services publics, privatisations et fin du système d’assistance sociale, l’ultralibéralisme séduit les patrons et dirigeants mais ne convainc pas forcément ceux d’en bas… dont doivent épisodiquement tenir compte les élus. Que tous ceux qui sont pour la suppression immédiate de la Sécu, de l’allocation chômage et de l’éducation publique gratuite lèvent la main ! Il fallait contourner l’obstacle.
Et quel meilleur endroit pour expérimenter l’efficacité de son poison, qu’un pays où le peuple n’a plus son mot à dire. Bonheur du calendrier, une démocratie, juste à côté, vient d’être renversée par un sympathique dictateur à lunettes noires. Milton fonce donc rejoindre la junte fasciste de Pinochet pour libérer le pays de toutes les scories redistributives mises en place par Allende. Deux des « Boys de Chicago », disciples de Friedman élevés dans l’université de cette ville mafieuse, prennent au hasard les postes de ministre de l’économie et de président de la banque centrale. Tout est prêt pour réduire les dépenses publiques (privatisation de la Sécu et du système de retraites notamment) au strict nécessaire : armée, police, justice sommaire et expéditive et escadrons de la mort. Ou en d’autres termes, comment transformer le train de vie de l’état en train de mort. Comme en 1933 face au miracle économique allemand, les industriels, la finance et les médias sont ravis et applaudissent une pseudo-réussite qui enrichit les multinationales et diminue de moitié la ration journalière moyenne en calories alimentaires pour les pauvres. « Manger gratis, ça n’existe pas » comme aimait à répéter Milton. Une devise désormais adoptée par l’ensemble des dirigeants du monde « libre ».