Palestine vaincra

L’État belge assassine les enfants de Gaza

À Bruxelles, un jeune palestinien et militant, Mahmoud Ezzat Farag Allah, est mort le 7 octobre dernier. Il était détenu depuis trois mois dans un centre fermé. Son décès survient alors que, depuis septembre, la police multiplie les rafles en marge des rassemblements quotidiens pour la Palestine.

8 octobre, place de la Bourse, Bruxelles. Ce soir-là, le pavé paraît plus froid, les slogans plus graves. Les militants palestiniens et leurs alliés encaissent. Ils viennent d’apprendre la mort de Mahmoud Ezzat Farag Allah, 26 ans et détenu depuis trois mois au 127bis de Steenokkerzeel, l’un des six centres fermés1 de Belgique. Il se serait donné la mort dans la nuit du 6 au 7 octobre. Le jeune gazaoui était un habitué de la Bourse, devant laquelle des rassemblements quotidiens sont organisés contre le génocide en Palestine. À la douleur provoquée par sa disparition, s’ajoute une nervosité diffuse parmi les participants. Depuis quelques mois un même scénario se répète : des demandeurs d’asile palestiniens quittent seuls la place de la Bourse à pied, et sont raflés par la police. Pour les militants, le message est clair : la répression contre leur mouvement vient de monter d’un cran.

Traumatiser, shooter, isoler

D’après le média flamand indépendant MO*, Mahmoud était poursuivi par le Hamas en tant que membre du Fatah (branche de l’Organisation de libération de la Palestine). En 2022, il avait obtenu le statut de réfugié en Grèce, pays plusieurs fois condamné par la Cour européenne des droits de l’homme pour les conditions de vie épouvantables qu’il réserve aux demandeurs d’asile.

« La santé mentale de Mahmoud était fragile. En détention, il avait fait plusieurs tentatives de suicide »

En Belgique, où il vivait depuis trois ans, Mahmoud avait déposé cinq demandes d’asile, dont la dernière avait été rejetée par l’Office des étrangers juste avant sa mort, le 2 octobre.

Les circonstances de son arrestation sont peu claires : il aurait été mis en détention après avoir été admis aux urgences de l’hôpital Saint-Jean de Bruxelles à cause d’une overdose d’anxiolytique… Et celles de sa mort ne le sont pas plus. « La santé mentale de Mahmoud était fragile, explique Émeline, qui accompagne Husameddine, un autre détenu palestinien du 127bis. En détention, il avait fait plusieurs tentatives de suicide. Dans ces cas-là, on te place à l’isolement avec sédation poussée. » C’est ce qui est arrivé à Mahmoud : isolé tout le week-end à cause d’une énième tentative de suicide, il en serait sorti « catastrophé » et « stressé » d’après ses codétenus. L’un d’eux l’a vu fumer 18 cigarettes d’affilée, le regard vide. « Avec tous ces médocs, il est possible qu’il ait fait une nouvelle overdose, poursuit Émeline. En tout cas, on voulait qu’il y ait une autopsie. Mais le centre a précipité les funérailles. Ils ont dit qu’il y aurait une enquête interne, mais on sait déjà comment ça va se terminer. »

Arrestations en série

« C’était quelqu’un qu’on connaissait, confie une militante. Ça fait très mal au cœur. Nous aussi on a nos enfants et quand on voit ce jeune qui a souffert, loin de ses parents, c’est dur. » Place de la Bourse, l’hommage à Mahmoud se fait avec des photos, des bougies, des chants et quelques larmes dissimulées. Cette mort, c’est de l’horreur ajoutée à l’horreur. Celle que vivent les Palestiniens là-bas, mais aussi celles que vivent les Palestiniens ici. Car elle intervient au moment où, depuis septembre, le nombre d’arrestations en marge des rassemblements s’est multiplié, et avec elles, les incarcérations d’office en centre fermé.

Depuis septembre, le nombre d’arrestations en marge des rassemblements s’est multiplié, et avec elles, les incarcérations d’office en centre fermé

« Il y a eu quelques interpellations avant, mais ça ne nous a pas tout de suite alertés. Puis la série a commencé : d’abord il y a eu Anas, ensuite Fathi, Husam, Hamouda, Husameddin, Ali, Mahmoud et enfin Ahmed », énumère Émeline, dépitée. Quasi que des vingtenaires. Une petite bande qui venait régulièrement à Bourse pour mettre l’ambiance et jouer de la musique. « Avec les arrestations, ils ont commencé à avoir peur de rentrer chez eux tous seuls, témoigne une habituée. On devait les raccompagner. »

Émeline dit avoir eu confirmation auprès d’élus de la commune et de députés fédéraux : le bourgmestre Philippe Close, qui n’a de socialiste que le nom, aurait transmis une liste de participants aux rassemblements à l’Office des étrangers et à la police. De son côté, début septembre, le chef de file des libéraux de la ville David Weytsman encourageait Philippe Close dans la presse à interpeller « ces illégaux » et à les envoyer « directement en centre fermé puis dans leur pays ». Pourtant les Palestiniens arrêtés sont en règle : aucune obligation de quitter le territoire, leurs démarches de demandes d’asile sont à jour. «  Les avocats m’ont dit que les dossiers étaient vides, rage Émeline. Juste le dossier d’asile et des numéros de procès-verbaux sans aucune preuve. » Pour la plupart, les motifs d’interpellations se situent entre le très obscur « trouble à l’ordre public » et « rébellion » ou « menace ». Flous, mais suffisants pour accélérer certaines procédures, comme l’expulsion. Et avant : un passage obligé dans l’infamie des centres fermés, celle qui aura conduit Mahmoud à la mort.

Dispatchés dans plusieurs d’entre eux, les jeunes enfermés crient leur colère et se soutiennent malgré l’éloignement. Certains ont entamé une grève de la faim. Quant à ceux qui sont encore dehors, ils se font leur porte-voix, sans jamais désarmer.

Gaëlle Desnos

Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.

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CQFD n°246 (novembre 2025)

Ce numéro de novembre s’attaque de front à la montée de l’extrême droite et à ses multiples offensives dans le milieu associatif et culturelle. On enquête sur les manœuvres des milliardaires réactionnaires, l’entrisme dans la culture et les assauts contre les assos dans le dossier central. Hors-dossier, on vous parle des les alliances nauséabondes entre hooligans, criminels et pouvoir en Serbie, on prend des nouvelles des luttes, de Bruxelles aux États-Unis, en faisant un détour par Exarchia et par la Fada Pride qui renaît à Marseille. Et pendant qu’on documente la bagarre, le Chien rouge tire la langue : nos caisses sont vides. On lance donc une grande campagne de dons. Objectif : 30 000 euros, pour continuer à enquêter, raconter, aboyer. CQFD compte sur vous !

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