En avant toute vers le nouveau monde ludico-amoureux !
V’LÀ 43 ANS que je hurle à la lune que le plus épastrouillant livre qui existe, c’est Le Nouveau Monde amoureux (vers 1820) de Charles Fourier, réédité simultanément par Stock et les Presses du Réel. Niquant les sinistres ratichons de l’utopie (Platon, Owen, Saint-Simon, Thomas Moore, Campanella...) réclamant l’avènement du bonheur diététique obligatoire, il démontre aussi mathématiquement que poétiquement, aussi musicalement que scientifiquement, comment, après la révolution, on pourrait construire tous ensemble dans l’ivresse, le foutre et la poilade la société du plaisir sans freins.
Pour découvrir les story-boards bandatoires de Fourier, on peut désormais recourir à un passionnant DVD de Nicole Chosson et ses petit(e)s camarades, Charles Fourier, l’Illusion réelle (De Terre neuve, 24, rue du Château-Landon, 75010 Paris). La fine et affriolante experte en fouriérisme Simone Debout y explique superbement de quelle manière le bonhomme Fourier « veut éveiller nos forces de résistance passionnelles » en vue de nous pousser à réimaginer ludiquement le monde. Parmi les parutions récentes pas mal éclairantes à ce sujet, y a tout d’abord l’éperonnant ensemble, grandiosement illustré, des Presses du Réel, Charles Fourier-L’Écart absolu , que j’ai déjà mis en avant (en avant toute !) le mois dernier. Y a ensuite, toujours chez les Presses du Réel, le n° 20 des Cahiers Charles Fourier qui nous fourgue plein d’infos juteuses sur les communautés expérimentales s’inspirant de Fourier et sur sa conception de l’éducation libertaire attrayante. Et puis, Militants de l’utopie ? de Bernard Desmars qui retrace avec mordant l’épopée des tentatives, souvent foireuses, au XIX e siècle, de vie alternative mélodieuse et immédiate dans des sortes de micro-phalanstères. Dans ses deux derniers brûlots, René Schérer, de son côté, tresse des ponts de lianes aphrodisiaques entre le fouriérisme et l’anarchisme. S’adressant pour l’essentiel, précise l’auteur, aux voyous et aux voluptueux, Nourritures anarchistes (Hermann) et Pour un nouvel anarchisme (Cartouche) posent une bonne question : « Comment sortir de l’oppression mortifère où le désir s’étiole ? » La réponse est à peu près ça : en ne guerroyant plus contre le système qu’en se fendant la gueule (à la manière des yippies hilares US – Do it ! – de la fin des années 60), en vivant illico, advienne que pourra, nos désirs et nos passions jusqu’ici « inavouables », en immoralisant loufoquement le combat social. « C’est en vaquant à nos plaisirs présents, chantonnait Fourier, que nous travaillons pour l’avenir. »
Cet article a été publié dans
CQFD n° 83 (novembre 2010)
Tous les articles sont mis en ligne à la parution du n°84.
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Paru dans CQFD n° 83 (novembre 2010)
Dans la rubrique Cap sur l’utopie !
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Mis en ligne le 04.12.2010
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