Tout le monde déteste M. Munoz
Il s’appelle M. Munoz. On n’en avait jamais entendu parler jusqu’à présent – inconnu au bataillon, le gus. Mais c’est pourtant lui qui, il y a quelques jours, a empoigné son téléphone pour appeler le « Allô mairie » de la ville de Marseille, service municipal se voulant « incontournable pour toutes les personnes qui souhaitent signaler une anomalie sur le domaine public (éclairage public, hygiène, stationnement abusif, tags et affichage sauvage, espaces verts, entretien des bâtiments publics...) ».
M. Munoz avait quelque chose à « signaler » – c’est souvent le cas chez les bons citoyens. Lui, ce sont les autocollants, affiches et petits tags politiques encadrant la vitrine de notre local, rue Consolat, qui lui défrisaient les moustaches. Faut le comprendre, M. Munoz : il n’en pouvait plus, sans doute, de tomber sur ces annonces bariolées de soirées anti-fascistes ou de concerts dans des lieux amis, sur ces graffitis vaguement post-situs, sur ces stickers réclamant avec enthousiasme le pouvoir au peuple ou rappelant que tout le monde déteste la police. Insupportable – de quoi gâcher les plus belles promenades.
Et donc, M. Munoz a téléphoné1. A dit son ras-le-bol en donnant notre numéro de rue. Et les services municipaux se sont (plus ou moins) empressés de lui faire ce petit plaisir : tout effacer. Mise à nu, façades glabres et tristes. Ça s’est passé ce matin, à l’heure où l’air sibérien s’est abattu sur Marseille et où les petits vieux promènent leur chien (pas rouge), à quelques encâblures de l’impression de ce numéro.
Ces opérations de nettoyage visant à aseptiser les façades d’une ville-décor pour touristes sont de plus en plus systématiques. Opérations dont certains habitants se font les complices. M. Munoz, vous êtes un triste sire. C’est dit.
Tenir les murs
La rue ou rien, sur Tumblr.
1 On connaît son nom parce que les services municipaux nous ont montré leur fiche d’intervention quand on est sorti du local pour protester contre la karchérisation.
Cet article a été publié dans
CQFD n°163 (mars 2018)
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Paru dans CQFD n°163 (mars 2018)
Dans la rubrique Ça brûle !
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Mis en ligne le 02.03.2018
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