Réfugiés : au Vigan, on attend…
« La France va accueillir 24 000 réfugiés » syriens et irakiens sur deux ans. Il y a les déclarations teintées d’humanisme et de compassion. Et puis, il y a les frontières fermées et les traitements indignes envers les exilés. Enfin, il y a la réalité de l’action de l’état derrière les belles phrases de son chef. Dans les Cévennes gardoises, plusieurs communes font vœu d’hospitalité. Un engagement que ne soutient pas la préfecture.
Le conseil municipal du Vigan, sous-préfecture de 4 000 habitants, n’a pas attendu l’émotion planétaire de la photo du petit Aylan pour prendre position. À l’unanimité, le 25 juin, il met à disposition trois logements. « Il s’agit d’une décision ordinaire, normale, évidente, qui s’inscrit dans la longue tradition cévenole de l’accueil », commente d’une voix calme le maire, Éric Doulcier. Le groupe local d’Amnesty international est à l’origine de l’action. Au printemps, répondant à une mobilisation nationale de leur organisation, ses militantes contactent les municipalités de leur secteur « Sud Cévennes » pour proposer l’accueil de personnes ciblées par le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR). Les réfugiés viendront de camps des pays limitrophes de la Syrie : « Les plus vulnérables parmi les vulnérables : dans des situations médicales sérieuses, des familles avec enfant handicapé ou encore des personnes seules avec enfants », détaille Michelle Marmain.
Le 12 septembre, à la réunion des maires organisée au ministère de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve l’affirme haut et fort : l’état sera au côté des collectivités dans la solidarité ! Mais les actes suivent trop timidement. Au Vigan fin octobre, ni Amnesty, ni la mairie ne savent quand et comment viendront les réfugiés. « On transmet au service concerné qui vous contactera » est pour l’instant la seule réponse de la préfecture du Gard aux sollicitations de CQFD. Préfecture qui fanfaronnait le 23 septembre en conférence de presse pour présenter Xavier Hancquart, son directeur départemental adjoint de la cohésion sociale, comme coordonnateur départemental « chargé de rassembler l’ensemble des offres d’hébergements » pour les réfugiés.
Voisin du Vigan, Mandagout s’apprête aussi à accueillir, dans un appartement mis-à-disposition par la municipalité dès le premier septembre. « Vu l’urgence, on attendait l’arrivée de réfugiés courant octobre au maximum », témoigne Francine Arbus, maire de cette commune de 400 âmes. Toutes les semaines l’élue téléphone à M. Hancquart qui lui demande d’attendre et rétorque sans rire : « Il faut voir le projet des familles. » Une réponse que Madame le maire juge « déconnectée de la réalité ». Si quelques réfugiés ce sont installés en 2015 par voie légale dans d’autres départements1, pour Francine Arbus, « la France ne remplit pas son devoir d’accueil. Le gouvernement laisse passer les régionales par peur du FN. Je ne vois que cette explication à l’attente ».
Alors que le conflit syrien et le drame de l’exode s’enlisent, les services de l’état font fi de la gravité de la situation. Le maire du Vigan se souvient des précédents historiques : « En 1939, quand on a reçu les exilés espagnols dans des conditions épouvantables sur les plages du Roussillon, il y a eut des morts de faim et de froid. C’est la France des droits de l’homme qui accueille comme cela. » En matière d’accueil, l’état respecte sa propre tradition.
1 1 100 Syriens et près de 1 500 Irakiens selon le préfet Jean-Jacques Brot chargé de la mission de coordination pour l’accueil de réfugiés syriens et irakiens.
Cet article a été publié dans
CQFD n°137 (novembre 2015)
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Paru dans CQFD n°137 (novembre 2015)
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Mis en ligne le 27.02.2018
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