Drôle d’impression à la Villa Méditerranée
Vous ne le savez peut être pas, mais la veille de la Fête de la musique, c’est la journée mondiale des réfugiés. C’est à cette occasion qu’a eu lieu au Belvédère (avec vue sur la mer et le port) de la Villa Méditerranée, à Marseille, le vernissage d’une chouette exposition « Identités, qui j’étais, qui je suis, qui je serai » réalisée par des demandeurs d’asile (Syriens, Kurdes, Ukrainiens…).
Lors de l’atelier mené par l’artiste Mathieu Rosier, ils se sont photographiés, ont réalisé des montages, collecté des images pour se raconter. Les photos étaient accompagnées de très beaux textes, fruits d’ateliers menés par Gilles Bois, avec des demandeurs d’asile de Nice. Le résultat, bouleversant de vérité et de dignité, donnait une autre image que celle généralement misérabiliste que l’on associe avec cette problématique. Organisée par la galerie associative Vol de Nuits1, financée par les Centres d’accueil de demandeurs d’asile (Cada) de Marseille et Nice, l’expo était donc accueillie par la Villa Méditerranée, le joujou tout blanc de la région Paca sensé faire pièce à son voisin tout noir, le Mucem. C’est bien joli et bien bon… Mais quelque chose sonne faux.
Devant la grosse cinquantaine de visiteurs, une employée, remerciant comme il se doit tout un chacun, annonce triomphalement que la Villa, étant « très engagée sur ces questions qui nous tiennent à cœur », l’expo sera visible « bien après la journée du 20 juin ! » Personne n’applaudit. Prenant le micro à son tour, Mathieu Rosier, visiblement plus à l’aise derrière un appareil photo, nous explique qu’en fait « bien après la journée du 20 juin », ça veut dire « jusqu’à demain » (dimanche 21 juin, donc). Applaudissements. En effet, la Villa est fermée le lundi et le décrochage est prévu depuis longtemps pour le mardi suivant. Il faut dire qu’un séminaire portant sur « la coopération inter-cluster comme levier de développement d’une filière euro-méditerranéenne du numérique » est prévu pour le 23 juin… Certes, l’exposition photo sur la Syrie « Des mots pour refuge », organisée par Médecins du monde, restera visible jusqu’au 5 juillet… au niveau -2. Mais on peut quand même s’étonner que le travail bien plus personnel des réfugiés eux-mêmes ne soit pas exposé plus longtemps.
A la recherche d’explications, le journaliste de CQFD est allé poser quelques questions à cette employée de la Villa. Passés les discours convenus « sensibiliser le public le plus large possible », « au cœur de nos préoccupations », et les excuses classiques « l’expo était visible en fait depuis une semaine puisque l’accrochage a eu lieu mardi dernier » (visible mais seulement partiellement « pour des raisons de sécurité » et annoncée nulle part, même pas sur le site de la Villa avant le 20 juin), on comprend, qu’évidemment, les raisons sont avant tout économiques. La Villa ne fait plus que des « partenariats ». On devine qu’il s’agit alors de distinguer les « partenariats » qui donnent une belle image humaniste sans coûter trop cher, des autres… ceux qui rapportent. Faut dire que le machin a coûté 70 millions et nécessite 2 millions par an pour fonctionner (Le Canard enchaîné, 07/01/15) !
Les « inter-clusters » et autres forums de l’entrepreneuriat (quatre sont prévus au cours de la dernière quinzaine de juin !) ne sont peut-être pas au « cœur » de la Villa, mais dans son portefeuille sûrement…
1 Aujourd’hui, hélas, disparue. Note du webmaster.
Cet article a été publié dans
CQFD n°134 (juillet-août 2015)
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Paru dans CQFD n°134 (juillet-août 2015)
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Mis en ligne le 01.09.2018
Dans CQFD n°134 (juillet-août 2015)
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