Dossier : Blocages partout !
Radio debout : « C’est comme tout mouvement social ! »
CQFD : Tu nous racontes l’histoire de Radio Debout, s’te plaît ?
Combi : La radio s’est montée très rapidement, en une petite semaine, dans l’effervescence de la Nuit Debout de la place de la République. Elle émet dès le 38 mars (7 avril). Au début, ce sont des passionnés de radio, des professionnels, souvent des copains, qui s’en occupent. Certains viennent de radios associatives ou de Radio France. Et moi, j’écoute ce direct, depuis Lyon, tous les soirs. Je trouve ça totalement génial ! Pouvoir entendre l’Assemblée générale presque comme si on y était. Pour moi, c’est hyper addictif. Je vais rapidement faire des allers-retours à Paris pour vivre ça et pour participer à Radio Debout. Et puis je fais aussi des correspondances depuis les Nuits Debout de Lyon.
Les 15 premiers jours, c’est vraiment super chouette : cette spontanéité avec les passionnés de radio qui installent ce rendez-vous quotidien, le font vivre et l’ouvrent à tout le monde. Rapidement, des gens qui n’avaient jamais fait de radio, ou très peu, arrivent, découvrent le monde de la radio, la technique, prennent la parole…
Comment ça se passe alors ?
D’entrée de jeu, on s’est dit qu’on tiendrait un direct toutes les Nuits Debout, mais en restant complètement autonome. Ce n’est pas un organe médiatique officiel, mais un petit groupe indépendant. Dès le début, on s’est dit que Radio Debout serait éphémère et ne durerait que le temps du mouvement… Et il dure ! Alors forcément, la radio aussi, et elle se solidifie, s’organise. On fait des plateaux, on a des invités, des soirées spéciales. D’ailleurs, il y a eu une soirée autour des médias indépendants avec Lundi Matin, CQFD et Jef Klak. Parfois, le résultat c’est qu’on perd en spontanéité : on a des émissions qui auraient pu être enregistrées en studio ! Mais, comme à Nuit Debout, il y a le plus souvent cette sorte d’équilibre entre le n’importe quoi, l’humour et la déconne d’un côté, et le sérieux, voire l’intello de l’autre. Tu vois, l’autre soir, il y avait ce plateau avec des intellos, des éditeurs, et là, paf ! quelqu’un passe pour dire qu’il y a des gens retenus par la police à l’autre bout de la place. On court avec les micros pour en partager le son avec les auditeurs, puis on revient et la discussion reprend. Une autre fois, Edgard Morin était interviewé, et là, il y a un Touareg qui passe sur la place et veut vraiment poser une question au philosophe qu’il appelle « Édouard » ! Et sa question c’est : « Qu’est-ce que vous pensez des scarabées ? Les seuls insectes qui résistent aux radiations d’Areva ? » Derrière l’anecdote, c’est tout ce plaisir de faire de la radio en direct, en extérieur : tout peut arriver du plus cocasse au plus profond.
Cette radio, c’est un vrai melting pot maintenant, avec des gens très divers, des opinions politiques très différentes. C’est pour ça qu’il n’y a jamais eu de ligne bien posée ! Toujours en dérapage, plus ou moins bien contrôlé. C’est génial ! Mais c’est aussi épuisant ! C’est pourquoi, maintenant, Radio Debout ne va plus émettre que du jeudi au dimanche soir. C’est une expérience tellement intense ! Dans mon cas, par exemple, le fait d’être entre Lyon et Paris, c’était à la fois une tristesse chaque fois que je repartais, mais aussi une sorte de protection, de mise à distance.
Et au-delà de l’émission en tant que telle, qu’est-ce qu’une expérience comme Radio Debout produit chez ceux et celles qui la produisent ?
Ben, tu vois, c’est comme le mouvement social… Comme tout mouvement social ! Ce genre de moment dans ta vie où tu découvres plein de choses, tu tisses des liens nouveaux, tu apprends de nouvelles techniques… En ce qui concerne plus spécifiquement Radio Debout, on peut dire déjà que pas mal de gens ont acquis des savoir-faire. Quoi qu’il arrive par la suite, s’il faut monter une radio indépendante pour la prise d’une place publique, ils pourront le refaire hyper rapidement et très efficacement. D’autres veulent continuer à se former ou pensent rejoindre les équipes des radios locales et libres, comme on en voit à Radio Canut. Et même à Radio France ! Tu sais, il y a des techniciens de Radio France qui ont pris le micro pour la première fois pour Radio Debout, et inversement, des journalistes radios qui se sont frottés aux questions techniques… Tout cela ouvre des perspectives pour chacun ! C’est un collectif qui se renforce en partageant les tâches, en se rencontrant dans le faire.
1 Prix Nobel de la radio depuis 2013, Mégacombi s’écoute tous les mercredis à 18h sur Radio Canut, 102.2 à Lyon, pour les Marseillais sur Radio Grenouille le jeudi à 17h30 ou sur le web à cette adresse.
Cet article a été publié dans
CQFD n°144 (juin 2016)
Trouver un point de venteJe veux m'abonner
Faire un don
Paru dans CQFD n°144 (juin 2016)
Dans la rubrique Médias
Dans la rubrique Le dossier
Par
Mis en ligne le 15.05.2018
Articles qui pourraient vous intéresser
Dans CQFD n°144 (juin 2016)
Derniers articles de Julien Tewfiq