Les brèves du n°127

Séguéla, permanent du spectacle

« Si à cinquante ans, on n’a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie  ! », lançait sans plaisanter Jacques Séguéla sur le plateau d’une émission télévisée en 2009. L’écho de cette petite phrase a été tel que le publicitaire semble avoir pris goût à l’humour malgré lui. Fin novembre, sur le site grenoblois PlaceGrenet, il nous rejoue un sketch digne des meilleures parodies. Invité pour réagir à l’inédite décision du maire écolo, Éric Piolle, de retirer les panneaux publicitaires de l’espace public, il s’est lancé dans un épatant one man show  : « Si la publicité ne servait à rien, ça se saurait  ! Il y a longtemps qu’on l’aurait supprimée. […] L’affiche, c’est le dernier mètre avant l’achat. C’est un des premiers stimulateurs de l’économie urbaine. […] Je ne comprends pas qu’un maire digne de ce nom prive les commerçants de ce stimulus indispensable. C’est criminel. » Grand Merci à toi, Jacques-le-tocard-des-tocantes, de nous faire rigoler au milieu du mois le plus gris de l’année. Pour les déboulonneurs de Lille, un collectif de désobéissance civile qui se bat contre l’invasion publicitaire, la mesure politique grenobloise tombe à pic. « On avait une convocation au tribunal mardi pour recevoir une amende suite à une action pacifique de barbouillage. Cette initiative politique, on l’a prise comme une très bonne nouvelle, c’est une première dans une grande ville », se réjouit Marion, tout en concluant  : « La lutte continue  ! »

De son côté, notre grand militant de la croissance en rajoute une couche. Lisez bien ces lignes, qui dévoilent un levier, parmi d’autres, pour affaiblir le capitalisme et la société consumériste  : « Je ne vois pas pourquoi maintenant seule la culture aurait droit à la publicité. […] Si vous abaissez l’envie d’acheter, vous courez directement vers la déflation et in fine vers la fin du système. […] Ce n’est pas parce que les banques ont fait sauter le système qu’il faut s’en prendre à l’affichage. […] Méfions-nous des castrateurs d’imaginaire ! C’est le début de toute dictature. » Olé  !

Catherine Thumann

Par Charmag.

La voix de Tel-Aviv

Le député UDI Meyer Habib, relais des ultra-sionistes au parlement français, est inquiétant. Croit-il vraiment en la propagande qu’il déblatère en manquant de s’étouffer à chaque fois ? Réagissant aux attentats de Jérusalem-Est sur France 3, le 18 novembre dernier, il incriminait l’ « arbre du terrorisme » djihadiste international « qui a fait 18 000 morts en 2013 » et qui chercherait l’embrasement aujourd’hui en Israël comme en Syrie, en Libye ou en Irak. Cette entité engloberait, pêle-mêle, Daesh, le Hamas « allié avec l’autorité palestinienne », le Hezbollah, Boko Haram, les djihadistes « qui ont tué 200 000 personnes en Syrie » (sic), Mehdi Nemmouche ou les assassins d’Hervé Gourdel, bref une grosse machine de guerre afin de brouiller la spécificité et la profondeur de la question palestinienne, d’en faire une « guerre de religion », de nier la responsabilité du gouvernement israélien et des groupes ultra-orthodoxes dans le climat délétère actuel, et enfin de prôner l’éradication comme politique. Qui veut noyer le Palestinien l’accuse de la rage islamiste.

A nos copains

« Pour nous, pays d’histoire et d’espoir, croire au progrès, c’est refuser à la fois l’ordre établi et le désordre stérile », s’enflamme Dominique Galouzeau de Villepin dans un long article publié en… une du Monde diplomatique de décembre. Parcourant l’article, on cherche la matière qui aurait pu justifier l’accueil de l’ancien Premier ministre de Chirac dans les colonnes du très progressiste mensuel. En vain. Entre lyrisme ballonné et universalisme incantatoire, la plume de Crinière d’argent reste ce qu’elle est  : un verbiage politicien aux prétentions aussi grandiloquentes que stériles. Après les poussives lettres ouvertes entre Védrine et Debray et la prose victimaire de Mermet, nos amis du Diplo risquent de dérouter un lectorat pas forcément habitué à se fader la liturgie d’icônes flétries. Commentant le rapprochement entre Galouzeau et Sarkozy, un cadre de l’UMP déclarait récemment  : «  Dominique de Villepin, c’est le symbole du rassemblement ». Du bonapartisme et de ­l’opportunisme ?

A nos ennemis

Aussi invisibles que le Comité éponyme qui les appelle dans leur dernier opus à rejoindre l’insurrection, les Anonymous ont hacké ce mois-ci plusieurs dizaines de sites en soutien à la lutte contre le barrage de Sivens et en solidarité avec la journée du 22 novembre contre les violences policières. Les pirates ont ainsi lancé une « Opération anti-répression » (#OpAntiRep) en remplaçant la page d’accueil de l’association nationale de la maréchaussée par des photos de brutalités policières. Le site du syndicat Alliance a été également mis à sac. Les noms de plus de 2 000 pandores ou encore les plannings de fin d’année des CRS ont été diffusés en ligne. Enfin, les productivistes du syndicat agricole FNSEA se sont vu briser leurs cyber-vitrines. Vandalisés aussi les nombreux domaines Web du conseil général du Tarn. Son président, Thierry Carcenac, aurait même dégainé « Hacker pour des idées, c’est une chose, mais c’est quand même relativement bête ».

Greffe des loyers

Par Pirikk.

Nouveau modèle social

Sur son site, le raout économique « Osons la France » prévu à Paris les 4 et 5 décembre ne barguigne pas : «  Contre le french bashing, l’autocritique souvent stérile, contre la fuite des talents, contre l’inertie et le fatalisme, Osons la France  ! » Au nombre des invités de cet happening censé « réconcilier les Français avec leur économie », on comptera la société Adrexo, diffuseur publicitaire et véritable «  leader militant » avec ses 23 000 distributeurs en CDI «  recrutés sans aucune discrimination à des postes non délocalisables ». Un rêve entrepreneurial pas vraiment partagé par les salariés de la boîte  : le licenciement de 750 personnes est dans les tuyaux tandis que 200 autres salariés verraient leur contrat de travail précarisé. Le prétexte ? L’adaptation à l’innovation numérique qui est justement au cœur du forum en question. Fallait oser  !

Cent mille dollars au soleil

Virée du New-York Times, la journaliste Jill Abramson vient de créer le buzz. Dans les cartons de la dame, un nouveau média labellisé « slow journalism » qui ne publierait qu’un seul article par mois. Prix de la rémunération du journaliste  : 100 000 dollars. A CQFD, on est prêts à relever le défi en passant à… deux articles par mois  ! Reste le problème de la rémunération. En caisses de bière (bio) ?

Que faire de la police ?

Le monopole de la violence LÉGITIME est l’un des attributs de l’état, comme l’analyse le sociologue Max Weber. Un auteur classique qu’il faudrait remettre au programme des écoles de police en France. Cela éviterait peut-être de lire ce genre de propos rapportés par Libé à la fin de la manif des condés en colère le 13 novembre dernier : « C’est malheureux qu’il soit mort [Rémi Fraisse, ndlr], mais ça me fait quand même moins de peine que ça soit lui qu’un collègue. »

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