« Ici, on lutte contre les nuisibles ! »

La vie des chambres d’agriculture, organes pseudo-représentatifs du monde paysan, ne ressemble en rien à une pastorale bucolique. Le verbe y est haut et parfois exotique. Propos croqués sur le vif au moment où des élections les renouvellent… sans rien changer.

Si les grandes lignes des politiques agricoles sont élaborées par l’Europe et l’État, ce sont les chambres d’agriculture qui ont pour mission de les traduire au niveau départemental. Elles ont aussi une mission de service public : en théorie, développer des services répondant aux besoins de tous les paysans. En réalité, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) y exerce un monopole sans partage et à sens unique : tout pour les agromanagers, les autres n’ont qu’à s’adapter, sinon on les « accompagne dignement vers la sortie ».

Par Nardo

Au moment où vous lirez ces lignes les élections des nouveaux représentants des agriculteurs au sein de ces chambres auront eu lieu1. Il n’est pas inutile de vous raconter comment se déroule habituellement une session de la chambre d’agriculture : la démocratie représentative s’y caricature elle-même, partout se fait sentir l’obscène odeur du pouvoir.

La grand-messe est prévue pour 14 h 30, une quarantaine d’élus, la plupart surchargés de mandats, s’installe dans l’hémicycle. À la tribune siègent le président de la Chambre et le président de la Fédé, leaders syndicaux, la directrice (elle est allée chez le coiffeur, avec une voiture de fonction, pendant ses heures de boulot), le préfet, le patron de la Direction départementale des territoires, le représentant du conseil général…

À l’ordre du jour, d’abord, diverses délibérations sur des questions budgétaires, votées comme un seul homme par ceux de la Fédé. Puis on délibère pour ratifier, sans débat, en bloc, toutes les décisions prises par le bureau, dans lequel seuls siègent des membres de la Fédé : c’est une véritable « chambre d’enregistrement ». Puis vient le temps des motions. Ce jour-là, c’est la Confédération paysanne qui présente la sienne demandant l’abrogation de la loi sur les semences fermières : l’État, sous la pression des semenciers, veut imposer des taxes pour dissuader les agriculteurs de reproduire et d’utiliser leurs propres semences, un droit ancestral à la base de l’autonomie paysanne. Mais le président de la FNSEA, Xavier Beulin, étant aussi président des semenciers industriels, la motion est rejetée, à une faible majorité toutefois, car certains, un peu honteux, se sont abstenus.

Ensuite, on passe aux questions diverses, seul moment un peu vivant qui donne lieu à des échanges de points de vue, parfois édifiants. Voyez plutôt. Un élu Fédé un peu radoteur : « Je m’insurge sur les propos de certains d’entre nous qui prônent des méthodes rétrogrades pour cultiver nos terres. C’est un péché de faire à la main ce que l’on peut faire à la machine. » Réponse d’un élu Conf’ : « Vous les traitez de branleurs, c’est ça ? » Rires gênés dans la salle.

On passe à l’intervention du président de la Fédé sur les contraintes environnementales, éternel cheval de bataille de son syndicat : « Á ce sujet, j’étais vendredi matin à une réunion de parcours sur le Schéma régional de cohérence écologique où j’ai eu l’impression d’avoir à faire à un intervenant qui parlait en grec, qui écrivait en hébreu et qui voulait faire des dessins en chinois : je n’ai absolument rien compris à ce qui a été dit de toute la matinée, si ce n’est que cela va se traduire par des contraintes supplémentaires pour les agriculteurs… »

Un autre élu évoque l’enquête publique d’un Schéma de cohérence territoriale (SCOT) dans laquelle il est question de zones à haute densité biologique qu’il faut protéger, alors que, dans le même temps, une commission du conseil général veut lutter contre les friches et les remettre en activité. Des friches sont justement des lieux à haute densité biologique ! Réponse du représentant du conseil général : « Ne vous en faites pas, le SCOT n’est pas un document contraignant et on fera ce qu’on veut. »

Pour conclure, le président de la chambre, la larme à l’œil, – sa mandature se termine et il ne se représentera pas – inflige à tout le monde le bilan de sa vie. Extraits : « Monsieur le préfet, je suis venu au syndicalisme par hasard car le notaire de mon village a dit à mes parents qu’il pensait que j’étais fait pour être syndicaliste… Je voulais essayer d’aider le faible en maîtrisant le fort…Dans la vie, si l’on veut réussir, il faut du courage, il faut surtout savoir dire “non”, il faut écarter ceux que vous considérez comme étant nuisibles, car il y en a autour de vous. »

Dans l’agriculture productiviste on ne s’éloigne jamais de la lutte contre les nuisibles !

Droit de réponse

Conformément à l’Article 13 de la loi du 27/07/1881, modifié par la Loi du 29/09/1919, je vous demande de publier ce droit de réponse, avec mêmes caractères et même emplacement, suite à l’article intitulé « Carpentras, patatras ! ». Dans votre article intitulé « Carpentras, patatras ! » mis en ligne le 23 janvier 2013, vous évoquez la pétition que j’ai lancée pour l’interdiction d’une « mosquée clandestine réputée salafiste », en indiquant que je suis décidé à « galoper sur les plates-bandes du FN  ». Or, il ne s’agit pas du tout d’un problème de religion et encore moins de marcher sur les plates-bandes du FN. Il s’agit simplement de faire respecter la loi, car cette mosquée, aménagée sans autorisation dans un local d’habitation, au mépris des règles les plus élémentaires de sécurité, a fait l’objet d’un arrêté de fermeture en 2004. Or, elle est toujours ouverte. Je demande donc à l’État de prendre ses responsabilités et de faire exécuter l’arrêté de fermeture qui, depuis plus de 8 ans, est restée lettre morte. Sauf à raisonner de manière simpliste et par la caricature, je ne vois vraiment pas en quoi cette demande aurait un lien avec les idées du FN.

Julien Aubert, député de Vaucluse

Réponse de CQFD : Vous ne voyez vraiment pas, monsieur le député ? Marion Le Pen, elle, le voit très bien. L’appétence du FN pour les mosquées est de notoriété publique.


1 Les résultats ne changent guère la donne avec une FNSEA qui maintient son emprise avec 55 % et une Confédération paysanne, en légère progression (20 %), qui fait jeu égal avec la Coordination rurale (21 %).

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