Au début des années 2000, les free parties sont victimes de leur succès. Les grands rassemblements attirent des dizaines de milliers de personnes, rendant caduques les valeurs du mouvement – autogestion et autonomie. Une triste période pour les teufeurs, pourtant riche d’enseignements politiques. « Hardcore jusqu’à la mort ! » Le cri de ralliement, mi-ironique mi-jusqu’au-boutiste, d’une partie des adeptes de la free party a bien failli devenir réalité début 2000. Mais pas pour eux. Non, ce qui a bien (...)
Écrire à une espèce disparue pour lui raconter ce que le monde est devenu… Ce qu’elle a raté en somme, ou ce à quoi elle a échappé. C’est la tâche à laquelle s’est attelé Jean-Luc Porquet, en s’adressant au dernier grand pingouin, mort en 1844 à Eldey, en Islande. La missive commence d’abord par des excuses, mais l’auteur note que d’ordinaire « on se repent devant les descendants de ceux que l’on a colonisés, torturés, massacrés ». Or, Grand Pingouin « n’a pas de descendants ». Grand Pingouin a littéralement (...)
Hits ! Enquête sur la fabrique des tubes planétaires (La Découverte/La Rue musicale, 2016) du journaliste John Seabrook sonne comme un long mix soigneusement articulé qui nous promène de Suède en Corée, des années 1990 jusqu’au début des années 2010. « Hit Me Baby (One More Time) est une chanson sur l’obsession : en moins de deux secondes, elle vous accroche, non pas une fois, mais deux. D’abord avec ses trois notes d’ouverture (si bémol, do, do), puis avec les premiers mots de Britney [Spears], lancés (...)
Petite histoire d’une chanson antifranquiste, La Hierba de los caminos. 1971, Mexico D.F., 11 novembre au soir. Le chanteur chilien Victor Jara se produit sur scène dans l’amphithéâtre principal de la fac de médecine de la UNAM (Universidad nacional autónoma de México). Un beau récital de canción protesta où en plus de ses compositions, Victor Jara interprète des textes de Daniel Viglietti ou de Violeta Parra. Entre ses chansons, il s’adresse au public : « Peut-être bien que celle-là aussi vous la (...)
Après son reportage au 3 rue Socrate à Marseille, dans le nid du Marabout , CQFD y refait un tour en mode portrait. Rencontre avec Momo, naufragé dans l’une des anciennes capitales du raï. « Ah, c’est toi ? Tu tombes bien, on est en train de répéter. Entre, fais comme chez toi. » Tongs aux pieds et sourire aux lèvres, Momo reçoit dans le petit cagibi qui lui tient lieu de salle de répétition, au rez-de-chaussée de la Réquis’, un squat du 1er arrondissement de Marseille. Minuscule, la pièce est encombrée (...)
La musique occitane a été en permanence porteuse de révoltes et continue de se vivre de Nice jusqu’au Béarn. L’ouvrage Musiques occitanes nous offre un panorama de cent albums rendant hommage à la richesse de cette culture. « Le Massilia se fonde sur l’application du folklore jamaïcain à la réalité marseillaise. » Impossible dans un ouvrage sur les musiques occitanes de faire l’impasse sur le Massilia Sound System qui, à partir du reggae, s’est intéressé au parler occitan et, de par son succès, a (...)
1950, Paris. Giraud et Mérindol traînent leurs guêtres du côté de la Mouff’ et de la Maub’ . Pour joindre les deux bouts, ils enchaînent les petits boulots plus ou moins avouables et font un peu de brocante, écumant le quartier avec leur voiture à bras. À peine de quoi se payer la bouffe et le gros rouge dans la multitude de rades du quartier qu’ils fréquentent assidûment. Ils finissent par dégoter un ancien bal-musette et monte un biz avec le patron. La salle est restée dans son jus 1900 : les tables (...)
Entretien avec Gildas Lescop, sociologue, auteur d’une thèse sur le mouvement skinhead, qui décortique comment a été créé le cliché skins=nazis. Les faits divers donnent du skinhead une image raciste, liée au néo-nazisme, associée à des ratonnades. Pourtant à l’origine, ces jeunes prolos britanniques fans de foot écoutent du ska et du rocksteady avec leurs potes jamaïcains. Qu’en est-il du mouvement skin à son origine ? La question que je me suis posée pour ma thèse, c’est ce glissement d’image, partant (...)
« Don’t call me nigger, whitey ! Don’t call me whitey, nigger ! » Quand Sly and The Family scande son refrain en 1969, le pied du guitariste Freddie Stone écrase en rythme la pédale wah-wah. Dilaté et compacté, le son de la guitare perd de sa cohérence mécanique. Il fluctue entre des tonalités tour à tour assourdies et exacerbées. Fait écho aux voix humaines. Se fond en elles. Se glisse dans le nerf à vif des babillages, reprend la mise en garde : « Me traite pas de négro, blanc-bec ! Me traite pas de (...)
Après La Vie algorithmique paru en 2015, le philosophe Éric Sadin poursuit son travail d’analyse de la déferlante numérique. Dans La Siliconisation du monde , c’est le tableau d’une colonisation du vivant qu’il dresse. Entretien. « Je devais donner une conférence à 300 étudiants de l’École supérieure de chimie, physique, électronique de Lyon. Tout était calé, puis une personne de l’école m’a appelé : “On a lu dans l’interview de Libération que vous appelez au refus de Linky et des objets connectés. Vous vous (...)