Édito-sommaire

Au sommaire du n°144 : spécial "Blocages partout"

En kiosque à partir du vendredi 03 juin 2016.
En une : "Le chef des casseurs" de Quentin Faucompré.
Un article sera mis en ligne, chaque semaine. Les autres articles seront archivés sur notre site trois mois plus tard. D’ici-là, tu as tout le temps d’aller saluer ton kiosquier ou de t’abonner...

L’édito : Leur agenda et le nôtre

« La réforme du droit du travail voulue et imposée par le gouvernement Valls est le minimum de ce qu’il faut faire  », a déclaré Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne (Le Monde, 21 mai). Peu avant, Pierre Moscovici, le commissaire européen aux Affaires économiques, avait, lui, usé d’une formule délicieusement hypocrite : « Ce n’est pas mon rôle de juger [la loi Travail]. Tout ce que je peux dire, c’est qu’une réforme est indispensable et qu’y renoncer serait une erreur lourde. » (20 minutes, 18 mai). Ces sorties du bois des donneurs d’ordre de Bruxelles nous rappellent que depuis un certain référendum sur le Traité constitutionnel européen, les exigences libérales s’en battent l’œil des décisions démocratiques et des résistances populaires. Le jusqu’au-boutiste Manuel Valls l’annonçait à une passante qui l’interpellait au salon de l’agriculture : «  – Passante  : Hé monsieur, la loi El Khomri, on n’en veut pas, hein  ! – Manuel Valls  : Eh bah oui, mais vous l’aurez  !   » Les gens, au cas où vous ne l’auriez pas bien compris, l’agenda de ces messieurs en costard est réglé avec la détermination de ceux qui ont toute latitude pour louvoyer, étaler leur mépris social sans borne, laisser pourrir les situations, taper dur et blesser les opposants dans leur chair, épuiser les forces d’une mobilisation toujours fragile par définition et imposer leurs options à l’usure. Une même méthode expérimentée en Espagne, en Grèce, au Portugal, et désormais en France ou en Belgique.

Ici, où la tendance à se focaliser sur le spectacle politique national phagocyte toutes les humeurs, n’oublions pas ce que doit l’actuel mouvement de contestation aux occupations de places du 15-M espagnol et leurs assemblées de quartier, ou à la combativité des Grecs qui encerclèrent leur parlement. Pour un peu, on se prendrait à rêver d’une synchronisation à l’échelle européenne (pour commencer) des protestations anticapitalistes…

À ce stade, même si le rapport de force entre organisations syndicales et gouvernement semble tourner autour de l’amendement du texte et de son fameux article 2 sur « l’inversion de la hiérarchie des normes », c’est encore le retrait pur et simple de la loi qui marquerait une réelle victoire symbolique. Néanmoins, une telle reculade du pouvoir ne serait pour lui qu’une temporisation tactique et, pour bien des opposants à la loi El Khomri et son monde, l’enjeu de la bataille se situe désormais bien au-delà. « Que la loi tombe ou pas, que les flics s’acharnent dans leur logique de terreur, que les prochaines élections nous proposent encore de choisir entre la peste ou le choléra… Comment continuer ? Comment empêcher que la parole nous soit reprise ? Comment fabriquer des lieux habitables pour nos aspirations communes ? », s’emballait un camarade de la rue Consolat, à Marseille. En tout cas, ce moment de contestation aura permis d’opérer une véritable inversion des normes et des discours incarnés par le Medef, la police et leurs relais médiatiques. Ces jours-ci, un élu communiste twittait : « Une chose m’échappe : si ce sont les patrons et les entrepreneurs qui font tourner ce pays, en quoi une grève de salariés pose problème ? » Le bon sens commun de la lutte des classes s’est réinvité dans la danse. Et l’important, c’est de continuer à danser… sur notre propre musique.

Par Graffitivre.

Dossier spécial : Blocages partout

Blocages normands : Quand tout s’arrête, tout commence > Se retrouver, en ce beau mois de mai, à bloquer le dépôt de carburants Rubis sur la zone industrielle de Grand Quevilly près de Rouen, c’est, outre bloquer les camions citernes alimentant les stations service du secteur, renouer avec l’histoire sociale locale.

Piquets de grève à Fos-Sur-Mer : Essence ouvrière > Il y avait une chaude ambiance sur le blocage intersyndical du rond-point Saint-Gervais, à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Une fraternité ouvrière qui a fait ressurgir le fantôme de la lutte des classes. La brutalité de l’intervention policière lancée à l’aube, aussi.

Double graphique : Soyons co-pirates ! > Collections de graffitis par Yves Pagès.

Par Yves Pagès.

Féminisme debout : Oui à la non-mixité > Entre Paris et Marseille, entre discussionss mixtes et non mixtes, entre Nuits Debout et discussions entre ami(e)s, réçit d’une féministe qui se découvre. Témoignage.

Radio Debout : « C’est comme tout mouvement social ! » > Excroissance sonore de l’occupation nocturne de la place de la République à Paris, Radio Debout accompagne le mouvement éponyme depuis ses quasi-débuts. Rencontre avec le copain Combi, « loco de la Mégacombi », superbe radiozine diffusé sur Radio Canut, et l’un des animateurs de cette belle expérience radiophonique.

Violences policières : « Ils ont lâché les chiens » > Martelé ad nauseam, le discours sur les casseurs, sur les 350 agents blessés et la voiture de patrouille incendiée vise à faire oublier qu’il y a bien stratégie de la tension contre le mouvement anti-El Khomri. État d’urgence, tonfa et 49-3 : enfoncez-vous ça dans le crâne !

La Plaine souveraine ? Quartier Debout ! > À quelques mètres des Nuits Debout marseillaises, le quartier de La Plaine connaît une effervescence singulière. Depuis plusieurs mois, s’y expriment de bien des façons une défiance et une colère grandissantes envers un projet municipal de « requalification » urbaine.

Enquêtes et reportages

Migrants : De la jungle de Calais aux centres de répit de Marseille > En mars dernier, l’Observatoire du juge des libertés et de la détention de Marseille (JLD), a reçu la visite de Laurent, militant actif depuis plusieurs années à Calais. Il a livré un témoignage amer et désolant, corroborant les nombreux récits de migrants déjà recueillis par l’observatoire du JLD. Tous font état de déplacements forcés de Calais à Marseille (107 personnes au 30 novembre 2015) et d’enfermements dans le Centre de rétention (CRA) du Canet, à la suite du démantèlement de la zone sud de la «  jungle  ».

Migrants : «  Faire partie des gens qui ne les traitent pas comme des numéros  » > Adeline est partie un mois et demi en Grèce, à la frontière macédonienne, pour préparer et servir des repas quotidiennement à des milliers de migrants confinés à Idomeni – camp de réfugiés évacué le 24 mai au matin. Elle dénonce un système qui laisse les migrants dans un dénuement total et les empêche de s’installer ailleurs.

Mexique : autogouvernement contre narco-État. Chéran-La-Lumineuse > C’est l’histoire d’un David contre deux Goliaths. Là où la collusion entre crime organisé et pouvoir d’État ne laissait guère de choix, hors la fuite ou la soumission, le courage de quelques femmes a mis en déroute l’arbitraire et fait éclore une utopie contagieuse. Dans les montagnes du Michoacán, voyage au bout d’une dignité rebelle.

Département ultramarin : Chasse à l’homme à Mayotte > À Mayotte, 101e département français, les coutures craquent de tout côté. L’ex-député (Les Républicains) Mansour Kamardine parle d’un territoire « au bord de la guerre civile » et en appelle à une réaction de l’État français. C’est sans doute s’exonérer un peu vite de la responsabilité de ce même État qui, en une dizaine d’années, a fait sombrer cette île dans le chaos.

Argentine : Blocage, entraide et féminisme > Héritière du mouvement piquetero, la Fédération d’organisations de base (FOB) repense, depuis 10 ans, syndicalisme et entraide mutuelle dans une perspective féministe. Reportage à Rosario.

Appli : Sans toit, ni data > A l’ère du tout numérique et de l’uberisation généralisée, l’action sociale ne fait pas exception à la règle. L’application mobile Entourage propose depuis peu de mettre en réseau les maraudes comme les riverains pour mieux venir en aide aux sans-abris. Mais entre veiller et surveiller, la frontière est parfois ténue…

Royaume-Uni : God save the taxi drivers > Quoi de plus naturel pour Uber que de s’installer au Royaume-Uni, pays du travail sans droit  ? Après avoir cannibalisé les fameux black cabs et imposé son modèle de travailleur «  liquide  », la firme californienne a recruté environ 25 000 chauffeurs de taxi en quatre ans. Condamnés au statut de travailleurs indépendants, une poignée de mutins réclament des droits salariaux.

Grève : Poste jaune, peste noire > Mercredi 25 mai, cela fait 178 jours que douze factrices et facteurs de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) tiennent le piquet de grève. Record au goût amer : si certaines revendications ont pu aboutir, d’autres sont dans l’impasse. Un postier s’est mis en grève de la faim.

Ma cabane pas au Canada : Sport populaire contre spéculation > Un autre sport est-il possible ? À Rome, les centres sociaux occupés proposent des activités dans les quartiers populaires où les structures font défaut. Jusqu’au jour où le propriétaire de l’espace abandonné redécouvre un intérêt pour son bien et convie la police à la fête. Reportage à Scup : Sport e Cultura Popolare !

Cultures et analyses

Marwanny à Fillols : Coaching über alles > Sillonnant « les routes de la francophonie », John Harvey Marwanny était en mai dans le village de Fillols (Pyrénées-Orientales). Le temps d’une soirée, il réussit le pari de convertir un peuple rétif et insoumis aux joies du Développement personnel sans douleur. Ambiance.

Entretien avec Quentin Faucompré : Franchement, je mettrais pas ça dans mon salon > Peut-être avez-vous déjà remarqué les dessins de Quentin Faucompré dans le journal ? Sa carte de la Zone à Défendre (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes trône sûrement désormais dans votre living, ou vos toilettes. Son trait souple, faussement naïf invite à passer derrière le miroir vers un univers où ses marottes, ses obsessions se tiennent tapies, prêtes à bondir. Entretien.

Innover pour mieux dominer : Lâcher de robots > Le salon Innorobo dédié à l’avenir robotique, qui s’est tenu en mai à Paris, donne l’occasion à l’historien François Jarrige, auteur de l’ouvrage Technocritiques (éd. La Découverte, 2014), de revenir pour CQFD sur ce « mirage enfantin chargé de combler le vide politique ».

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