L’édito du n°220
Un anniversaire cinq étoiles !
L’hôtel Intercontinental est sans doute le cinq-étoiles le plus couru de Marseille. En gros : un nid à connard·sses ultra-friqué·es, dans un élégant bâtiment du XVIIIe siècle qui domine le Vieux-Port, à deux pas de la mairie. Il a servi d’hôpital pendant 250 ans, avant que la mairie Gaudin, de funeste mémoire, ne brade ce joyau patrimonial à un groupe privé. Celui-ci y a installé un hôtel inauguré il y a juste dix ans, en prévision de l’opération Marseille Capitale européenne de la culture, premier coup de boutoir de la vague de gentrification en cours. Tout un symbole, quoi. C’est donc avec pas mal d’enthousiasme et force cris de joie que, ce 1er mai vers 13 heures, un cortège de plusieurs centaines de personnes a grimpé les marches de son escalier monumental et qu’une partie d’entre eux s’est engouffrée dans le hall pour y foutre le bordel. Fleurs effeuillées sur la moquette, extincteurs vidés, casseroles martyrisées, lazzi anti-bourges sur fond de bataille de coussins chourés aux fauteuils cosy… Un petit coup de pression, sans arme ni haine ni violence, mais joyeusement déter’, loin des carcans militants plan-plan.
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« Super, Marseille remonte dans le tableau à l’Intervilles du zbeul ! »
Certains de la rédac qui étaient présents en sont revenus avec la banane : « Super, Marseille remonte dans le tableau à l’Intervilles du zbeul ! » Et puis ils ont fait comme tout le monde au local, ils se sont replongés sur les ordis et les épreuves papier pour mettre le dernier coup de main à ce numéro. Car oui, c’est un peu la hess : on boucle ce journal le soir d’un 1er mai qui s’annonce historique – et déterminant pour la suite du mouvement. Alors à l’heure où ces lignes sont écrites (19 h), on en est réduit aux conjectures, à se demander comment ça va tourner à Paris, Toulouse, Nantes ou Besançon, avec de rapides allers-retours sur Twitter pour sentir le vent de la révolte, qui semble souffler très très fort…
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Partie au matin comme le veut la tradition, la manif marseillaise n’était pas historique niveau foules présentes (130 000 pelos selon la CGT, 1 312 selon la Préfecture), mais réjouissante. À la fin du cortège syndical, tout un tas de gens ont sauté dans le train de la manif sauvage vers la commerçante et guindée rue Saint-Ferréol, dont certaines vitrines ont été rhabillées pour la saison printemps-été. Puis il y a eu l’interlude cinq étoiles susmentionné. Sachant qu’une autre sauvage est prévue pour ce soir, on se dit qu’il commence pas mal, ce mois de mai. On en veut pour preuve une scène mignonne aperçue tout à l’heure. Au passage d’un manifestant tout de noir vêtu, un minot léchouillant une glace s’est tourné vers son père pour lui crier : « Papa, j’ai vu un black bloc ! »
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Nan fiston, c’était pas un black bloc. Juste un émissaire du printemps.
Cet article a été publié dans
CQFD n°220 (mai 2023)
CQFD fête ses 20 ans d’existence ! Notre numéro 0 est en effet paru en avril 2003, notre numéro 1 le mois suivant… Un média indépendant qui tient deux décennies, qui plus est sur papier et toujours en kiosque, ce n’est pas si courant et on s’est dit que cela méritait d’être célébré ! Voici donc un numéro anniversaire (40 pages au lieu de 24 s’il vous plaît) avec un copieux dossier consacré à la vie trépidante du Chien rouge.
Mais on parle aussi de bien d’autres choses : depuis l’opération militaro-policière Wuambushu vue depuis Marseille (première ville comorienne du monde) à un entretien avec Lise Foisneau autour de son livre consacré aux Roms de Provence, des exploitées de la crevette au Maroc jusqu’aux victimes de crimes policiers au Sénégal en passant par les luttes pas toujours évidentes contre les barrages en Thaïlande... Et le mouvement social qui se poursuit encore et encore, évidemment ! On lâche rien !
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Paru dans CQFD n°220 (mai 2023)
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Mis en ligne le 05.05.2023
Dans CQFD n°220 (mai 2023)
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