L’édito du n° 236
Trop tard !
Si on avait été naïf·ves, on aurait pu détendre un instant nos épaules crispées. Après plus d’un an de massacre à Gaza, la Cour pénale internationale (CPI) a finalement livré un mandat d’arrêt contre Netanyahou et son ex ministre de la Défense Yoav Galant, le 21 novembre dernier. Les 124 « États Parties » au Statut de Rome sont donc dans l’obligation d’arrêter les génocidaires israéliens s’ils se pointent sur leur sol. L’Espagne, le Canada, l’Irlande et l’Italie (!) ont déclaré le jour même qu’ils appliqueraient la décision. D’abord silencieuse, la France a finalement annoncé par la voix outre-tombale de Michel Barnier qu’elle en ferait de même le 26 novembre dernier. Et pourtant...
… le lendemain, le ministère des Affaires étrangères annonce que Netanyahou continuerait de jouir de son « immunité » de haut représentant, Israël ne faisant pas partie de la CPI. La jurisprudence de la cour n’est pas du même avis, mais la France semble prête à risquer de se faire elle-même condamner. Israël c’est la famille ! Il faut dire que Netanyahou grattait l’amitié depuis déjà un petit moment : le 30 mai dernier, sur TF1, il expliquait que la victoire d’Israël sur Gaza, c’était « la victoire de la civilisation judéo-chrétienne contre la barbarie », et donc « la victoire de la France ».
Plusieurs États occidentaux ont déjà renié leur petit frère génocidaire, comme le Canada ou les Pays‑Bas qui ont stoppé leurs livraisons d’armes, ou l’Espagne qui a reconnu l’État palestinien il y a quelques mois. Mais aux States, Big Brother continue de veiller au grain. Si Biden a déjà pas mal arrosé Israël depuis le début de la guerre, le comeback de Trump, autoproclamé « meilleur ami d’Israël », devrait assurer des lendemains radieux à l’expansionnisme de l’État hébreu.
Ici, pour se consoler, on peut regarder du côté de quelques micro victoires. À la fac de Marseille, où des réunions d’orgas étudiantes pro-Palestine avaient été interdites, le tribunal a estimé qu’il s’agissait d’une « atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont les libertés d’expression et de réunion ». Créant un précédent juridique, cette décision permet aux étudiant·es de s’en prévaloir pour contrer la censure qui fleurit un peu partout en France. Autre motif de réjouissance : Georges Ibrahim Abdallah, militant historique de la cause palestinienne, écroué depuis 40 ans dans les prisons françaises, a reçu un avis favorable à sa onzième (!) demande de libération. Encore faudrait-il que la décision de la cour d’appel lui donne raison...
Ces victoires symboliques sont peut-être celles de l’évidence : à la fin c’est nous qu’on a raison. Piètre consolation, car tout cela arrive bien tard : Gaza est un champ de ruines et le cessez-le-feu au Liban semble des plus fragiles. Mais dans un monde où le droit ne compte plus, la raison ne fait pas taire les bombes.
Cet article a été publié dans
CQFD n°236 (décembre 2024)
Dans ce numéro, vous trouverez un dossier spécial États-Unis, faits de reportages à la frontière mexicaine sur fond d’éléction de Trump : « Droit dans le mur ». Mais aussi : un suivi du procès de l’affaire des effondrements de la rue d’Aubagne, un reportage sur la grève des ouvriers d’une entreprise de logistique, une enquête sur le monde trouble de la pêche au thon.
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Paru dans CQFD n°236 (décembre 2024)
Dans la rubrique Édito
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Mis en ligne le 05.12.2024
Dans CQFD n°236 (décembre 2024)
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