Cap sur l’utopie
Tout le pouvoir aux youppys et aux mamamours
Gaffe, gaffe, les mimiles, le livre du mois, Voyage en misarchie – Essai pour tout reconstruire d’Emmanuel Dockès (aux éditions du Détour), est charpenté par un authentique professeur de droit. Hou là là !, pourrait-on s’exclamer au vu de l’actualité. S’agirait-il d’un bachi-bouzouk qui, lorsqu’il n’enseigne pas (lui, c’est à l’université Paris-Nanterre) et quand il ne coordonne pas des « propositions de code du travail », s’habillerait ni vu ni connu en justicier masqué pour casser de l’étudiant indocile dans les auditoires, par exemple, de Montpellier ? Fi non, fi non, les gustaves, qu’on se rassure, le professeur Dockès ne semble pas du tout manger de ce pain rassis-là. Notre puits d’érudition entend tout au contraire repenser la société mélodieusement. Comment, comment, ventre de bœuf ? Allons donc voir de tout près ce qui se passe au juste pour les habitants de la misarchie arcanienne, pays fictif dont il imagine les fils conducteurs.
La misarchie, construite sur les racines « mis » (venant du verbe grec « misein » qui signifie « détester ») et « archie » (venant de « arkos », « le chef »), c’est le régime qui « déteste les chefs » : « Nous détestons la domination, le pouvoir. Nous voulons avoir le plus de liberté et d’égalité possible. »
Personne « n’appartient à l’Arcanie » : « L’indépendance de chacun garantit l’absence de pouvoir souverain ou centralisé, ou même l’absence de prétention à la souveraineté. » Chacun a le droit d’être lui-même à fond la cuve. Y compris même les migrants accueillis avec enjouement.
Les nombreux délégués à nommer sont élus par des comices, soit des assemblées générales ou populaires, mais peuvent tout aussi bien être désignés par des tirages au sort. Attention, le « droit d’évincer toute direction » s’avère fondamental, les élus peuvent être révoqués à tout instant. On appelle ça en misarchie une « désélection ».
Le principe misarchique, c’est de constituer une constellation d’associations, des importantes ou des accessoires, contrôlant la bonne marche générale ou particulière des choses. Des associations auxquelles on n’adhère que quand ça nous chante et desquelles on peut sortir quand on veut. « En moyenne, en Arcanie, un habitant change une dizaine de fois d’association principale. » Deux exemples d’associations principales excitantes : les youppys et les mamamours. Les youppys entendent « vivre dans des teepees comme les anciens Indiens ». Ils rejettent toute forme de possession. Tout est à tout le monde. Personne ne sait vraiment d’ailleurs de qui sont les enfants élevés par la communauté. Tandis que les mamamours veulent, eux, « atteindre l’idéal de vie harmonieux » en absorbant à la fin de chaque repas et à l’aide d’un spray nasal de petites doses d’ocytocine, une hormone polypeptidique favorisant l’empathie et l’altruisme qui aurait fait le bonheur de William Burroughs.
Pour éviter le « clonage éducatif », deux mesures clés. De un, les « rotations infantiles » avec des « enfants en transfert », des « enfants que les parents s’échangent ». De deux, le droit inconditionnel qu’ont les enfants à partir de sept ans de « résilier une appartenance familiale ».
Ah jambon à cornes !, ça existe donc les profs de droit pas complètement bouchés à la seccotine ! Pour poursuivre la lecture du bandatoire Voyage en misarchie, je m’en vais sur-le-champ sniffer un peu d’ocytocine.
Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.
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Cet article a été publié dans
CQFD n°165 (mai 2018)
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Paru dans CQFD n°165 (mai 2018)
Dans la rubrique Cap sur l’utopie !
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Mis en ligne le 30.05.2019
Dans CQFD n°165 (mai 2018)
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