Graphisme antifasciste
Scènes de terreur brune en noir et blanc
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Les excellentes éditions Plein Chant ont publié un livre d’une centaine de linogravures de l’artiste Clément Moreau (1903-1988). Un témoignage, inédit pour le public français, sur la terreur nazie en Allemagne. L’auteur, né Carl Meffert à Coblence, côtoie l’avant-garde artistique berlinoise, ainsi que les milieux révolutionnaires dès les années 1920.
Le graveur se lie ainsi d’amitié avec John Heartfield, expérimentateur du photomontage post-dadaïste, ou encore avec Eric Müsham, fameux anarchiste allemand qui avait participé à la République des conseils de Bavière de 1919. Müsham fit partie des premières victimes politiques du nazisme, repéré par Goebbels lui-même comme un de « ces Juifs subversifs ». Il est arrêté le 13 avril 1934, peu après l’incendie du Reichstag. Il meurt au camp de concentration d’Oranienburg, après des semaines de tortures plus épouvantables les unes que les autres, le 10 juillet de la même année. Les autorités nazies prétendront à un suicide.
Une société hypnotisée
Dans son récit graphique Nuit sur l’Allemagne, Clément Moreau s’inspire directement du calvaire de ces opposants pris dans les griffes des nazis. En 1938, ces linogravures paraissent pour la première fois dans des journaux en Argentine, où il avait pu se réfugier en 1935. Son univers n’est pas sans rappeler l’expressionnisme ou celui du dessinateur belge Franz Masereel.
Visages tordus de douleur, de peur ou d’exaltation fanatique. Et silhouettes torturées. Le traitement du noir accentue le sentiment d’oppression d’une société hypnotisée par la violence : propagande de masse, soudards en meute, endoctrinement des enfants dans les Hitlerjungend, Gestapo, torture, prison, suicide, fuite, exil... Ces dessins nous plongent avec effroi dans ce régime de barbarie comme dans un roman noir. Et constituent « une des œuvres antifascistes les plus importantes de l’exil », souligne à juste titre l’éditeur. Une puissante (re)découverte.
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* Clément Moreau, Nuit sur l’Allemagne, 107 linogravures des années 1937-1938, Plein chant, 2018.
Cet article a été publié dans
CQFD n°167 (juillet-août 2018)
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Paru dans CQFD n°167 (juillet-août 2018)
Par
Illustré par Clément Moreau
Mis en ligne le 11.01.2019
Dans CQFD n°167 (juillet-août 2018)
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