Objectrices de conscience israéliennes

Refuznik Tsahal !

par Aurel

Deux mois de prison, et trois mois de détention dans une base militaire. C’est la peine qu’a effectuée Sahar Vardi1, 21 ans aujourd’hui, pour avoir refusé de faire ses deux ans de service militaire en Israël. « Pour la société israélienne, il n’y a aucune différence entre la paix et l’armée », explique-t-elle à CQFD. Mais pour elle, qui « habite à Jérusalem, à quinze kilomètres de villages palestiniens », qui a milité très tôt contre l’occupation au sein des Anarchistes contre le mur et de New Profile (association pacifiste et féministe), qui se bat contre l’expulsion des Palestiniens et la destruction de leurs maisons, bref, qui s’est confrontée physiquement à la gent militaire, la contradiction ne fait pas de doute ! Si de nombreux jeunes Israéliens échappent en douce au service national – pour cause de mariage, convictions religieuses ou problèmes psychologiques –, Sahar a préféré assumer publiquement son objection de conscience. « Aller en prison, c’était faire connaître notre cause, et espérer avoir un écho dans la société israélienne. »

Une question nous taraude : cet écho s’est-il répété jusque dans les rangs des Indignés de Tel Aviv, qui tiennent le pavé depuis cet été ? Abordent-ils le rôle de l’armée dans l’occupation et l’importance des budgets militaires dans leurs débats ? « Ce mouvement est dominé par la classe moyenne blanche, juive, ashkénaze, une branche de la population qui est généralement très sioniste, répond Sahar. Mais il permet quelques prises de conscience : pour la première fois, certains se rendent compte que le gouvernement et les forces de l’ordre ne sont pas de leur côté. En Israël, la sécurité, c’est comme Dieu, tout passe après, même les mouvements sociaux. S’il y a un attentat, on oublie la protestation et l’on se regroupe derrière le gouvernement. Or, pendant le mouvement des Indignés, il y a eu un attentat dans le Sud d’Israel, mais cela n’a pas calmé les ardeurs protestataires. La sécurité, ce n’est plus seulement se défendre contre le terrorisme, c’est aussi avoir une maison, un abri, à manger… » Et pour ce qui est du budget militaire ? « Sa réduction ne fait pas partie des revendications. Mais, dans une manif, un gars a offert sa médaille reçue à la fin de la deuxième guerre du Liban à une des leaders du mouvement, Daphni Leef, en lui disant : “Vous en faites plus pour la société israélienne que moi en combattant”. »

Élargissant le cercle des responsabilités et des possibilités d’action, Sahar poursuit : « Comme les Indignés de Tel Aviv, la communauté internationale devrait tenir compte de ces aspects militaires. Il faut que vos gouvernements cessent d’intervenir politiquement et économiquement en Israël. Si ce soutien s’arrête, l’occupation ne sera plus viable. Prenons le cas des ventes d’armes : la France vient de passer commande de drones israéliens pour 350 millions d’euros ! Si l’on vend tant de matériel militaire, c’est qu’il est fiable, testé en conditions réelles par notre armée. Ces drones qui vont équiper l’armée française, ils ont été utilisés lors de la guerre à Gaza en 2008 et 2009. »


1 Mi-septembre, Sahar Vardi et Idan Halili, elle aussi refuznik, ont fait une tournée de conférences en France, invitées par le Collectif tarnais de réflexion et d’action contre la militarisation de la société (COT).

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Paru dans CQFD n°93 (octobre 2011)
Dans la rubrique Le dossier

Par François Maliet
Illustré par Aurel

Mis en ligne le 05.12.2011