Que se vayan todos, ou je voterais pour eux
L‘HEBDOMADAIRE Le Point publie de gros bouts du nouveau bouquin de Jean-Luc Mélenchon (l’ami fameux des moines du montagneux Tibet) : Qu’ils s’en aillent tous ! (En VO : Que se vayan todos ! Hombre ! Sinon, je vais me fâcher.) Le Point, manifestement décidé à le valoriser, a pris, sur cet ouvrage (où Jean-Luc Mélenchon « tape comme un sourd sur ses anciens camarades » « socialistes »), quelques avis d’experts, dont celui de Jean-François Kahn, qui « reconnaît » à Jean-Luc Mélenchon « un inestimable et rare mérite : alors que, d’ordinaire, un auteur un peu médiatisé et désireux de le devenir plus cherche à exprimer des idées qui lui vaudront la sympathie ou l’indulgence de la majorité des faiseurs d’opinion (dont les pensées, on le sait, sont plus qu’homogènes), lui, c’est exactement l’inverse ». Lui, Jean-Luc Mélenchon, aurait plutôt cherché, d’après Kahn, « ce qui pouvait le plus furieusement faire enrager […] les mieux-disants et les bien-pensants, les arbitres du bon goût, de l’idéologiquement correct et des élégances » – bref, l’éditocratie. Et, bon, c’est gentil pour Mélenchon – ça donne l’impression qu’il est un authentique révolutionnaire –, mais, dans la vraie vie, l’éditocratie aime beaucoup Jean-Luc Mélenchon, parce qu’il se plie gentiment à ses règles, et socle gentiment son magistère. L’éditocratie, en effet, se fout complètement que tu sois pour de bon socialiste, sans guillemets : l’important, pour elle, est que tu viennes gentiment le dire chez elle, comme fait Jean-Luc Mélenchon – que tu viennes sur son terrain, à domicile, chez Denisot, ou chez Drucker, ou chez Ruquier (liste non exhaustive). Et de fait : Le Point dit – et Le Point dit bien – que, Jean-Luc Mélenchon, « les journalistes » – les mêmes journalistes, exactement, qui 365 jours par an lèchent des culs de patrons – « en raffolent », évidemment ravis de mettre dans leurs dissertations deux pincées d’un gars qui narre que les patrons, c’est comme les cochons (plus ça devient gros, plus ça devient con), mais dont ils savent pertinemment qu’il rentrera toujours dans le rang. Car en effet, Jean-Luc Mélenchon a ceci aussi de précieux, pour l’éditocratie, qu’aux petits soirs d’élection où se joue le destin de la gauche (et nonobstant qu’il « tape comme un sourd sur ses anciens camarades ») il fait tout comme Chérèque & Thibault font aux fins des journées de mobilisation : il choisit le réalisme. (« Socialiste ».) Dit par Le Point, ça donne : « Mélenchon soutiendra sans nul doute le candidat socialiste au second tour de la présidentielle. » Et en effet : ce n’est pas douteux. Le Point conclut, d’un ton proche du ton que prend mâme Dupont quand mâme Dupont dit que son grand s’est teint les veuches en vert mais qu’il faut bien, n’est-ce pas, qu’adolescence passe : « D’ici là, Mélenchon continue la révolution. » Que se vayan todos, d’accord, mais s’ils ne s’en vont pas, tu sais quoi ? On votera pour eux.
Cet article a été publié dans
CQFD n°82 (octobre 2010)
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Paru dans CQFD n°82 (octobre 2010)
Dans la rubrique Rage dedans
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Mis en ligne le 25.02.2011
Dans CQFD n°82 (octobre 2010)
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