Les petites maisons dans les cartons

Ce n’est pas simple de s’organiser pour construire un habitat collectif intégrant la protection de l’environnement. Surtout quand le voisinage vous accueille à coups de référés au tribunal. Alors si, en plus, les oiseaux s’en mêlent…

L’idée est séduisante, mais encore faut-il parvenir à la concrétiser… En 2008, sept familles ont acquis trois hectares sur la petite commune de Verfeil-sur-Seye, dans le Tarn-et-Garonne, afin d’y construire un éco-hameau. « C’est un projet à vocation sociale et écologique, explique Stéphan, l’un des initiateurs du projet. Nous voulons vivre ensemble, chacun dans son habitat propre mais en mettant en commun le verger, le potager et une grande halle servant de lieu de travail et de convivialité. » Et ils souhaitent limiter au maximum leur impact sur l’environnement : « Nous avons planté des haies et des arbres fruitiers – uniquement des espèces locales, précise Stéphan. Pour les voies d’accès, nous n’utilisons pas de goudron. Et nos eaux usées seront traitées par phytoépuration ! » Quant aux maisons, elles seront construites soit en paille, soit en bois, « et peut-être que, sur la parcelle qu’il nous reste, la construction se fera en chaux-chanvre, qui sait ? ».

« Seront »  ? « Se fera » ? La parcelle est achetée depuis trois ans et, à part l’ossature de la halle commune, aucune bicoque cent pour cent écolo n’est encore sortie de terre ? Leur projet se serait-il évaporé dans ces volutes de fumée qui, parfois, dissipent les plus belles idées ? Que nenni ! « Nous avions commencé les travaux, nous avions toutes les autorisations… », soupire l’éco-constructeur. Mais c’était sans compter sur les quelques autochtones voyant d’un mauvais œil ces nouvelles habitations. Et peu importe qu’elles soient « sociales et écologiques ». Ces empêcheurs de construire en bio ont créé l’Association de sauvegarde et de protection du patrimoine paysager et architectural de Verfeil-sur-Seye, et déposé moult recours en justice afin de faire cesser les travaux.

« L’un des soucis, c’est qu’il n’y a pas de plan d’urbanisme sur la commune [ancien plan d’occupation des sols], détaille Stéphan. De ce fait, nous ne pouvons construire à plus de cent mètres des habitations du bourg. Le tribunal a donc refusé de valider le délibéré du conseil municipal en notre faveur. » Et zou, au placard, pelles, pioches, roseaux phytoépurants et projet collectif ! La mairie doit déposer un plan d’urbanisme mais « c’est une démarche administrative longue, lente, compliquée et coûteuse », qui suspend le chantier jusqu’au mois de juillet… 2012 !

Autre problème : « L’unique raison de s’opposer à ce projet est que le terrain est en zone Znieff », maugrée la présidente de l’Association de sauvegarde etc., contactée par CQFD. Arf ! S’installer sur une Zone naturelle d’intérêt écologique, floristique et faunistique, forcément, ça fait mauvais genre. « La Znieff concerne la diversité des oiseaux. Or, en plantant des arbres sur un hectare, nous allons favoriser leur nidification », conteste Stéphan.

L’enjeu est de taille… Faut-il conserver à tout prix une nature intacte, au risque de transformer les campagnes en musée pour touristes ? Ou permettre l’installation de nouvelles constructions, surtout quand celles-ci prennent en compte nombre de considérations environnementales ? À Verfeil, si l’on ne construit pas de maison, au moins, on initie de beaux débats !

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1 commentaire
  • 16 juillet 2011, 22:47, par Alain

    Ce ne sont pas des autochtones qui s’opposent à ce projet, mais des néo-ruraux installés depuis quelques années. Les autochtones soutiennent ce projet. Alain, Membre du futur eco-hameau

Paru dans CQFD n°88 (avril 2011)
Dans la rubrique Ma cabane pas au Canada

Par François Maliet
Mis en ligne le 08.06.2011