Les dessous de la nonne sentent le cochon grillé

En plein cœur de la Bretagne, dans un couvent « défroqué », une bande de joyeux korrigans et bonnes fées se livrent à toutes sortes d’activités dionysiaques. Pour le plus grand plaisir du correspondant de CQFD en goguette…
Par Rémy Cattelain.

Le mois d’août tire à sa fin et la cour du « Couvent Alternatif » s’anime du côté de Camlez, petite commune du Trégor (850 habitants tout de même), à 8 km de Tréguier. Comme chaque jeudi depuis le début de l’été, c’est dans la cour de cette ancienne école tenue jadis par des religieuses, que l’association « Les Dessous de la Nonne » grille le cochon. La bête porte – humblement – ses 50 kilos et 80 personnes sont attendues le soir pour se goberger au son d’un groupe de blues rock qui occupera la scène de concert.

A l’entrée de la cour, près du porche, siège sans minauder « Le Chat qui Louche », le bar du lieu tenu par Matthieu et Morwenna depuis mai 2012. Ils ont quitté sans regrets leurs boulots de cuistot-serveur et de ramasseur-cueilleur pour passer de l’autre côté d’un comptoir, qu’habitués des lieux, ils lustraient déjà de leurs coudes. Ici, pas de chichi, et, comme dans tout bar digne de ce nom, la discussion embraye rapidement, même si vous êtes inconnu. Pour ne rien gâcher, les bières ne sont pas mauvaises et leur abus ne vous laissera pas de mauvais souvenirs, ce dont peut témoigner votre correspondant de CQFD, s’il est besoin de le préciser. Certains qui ont les nerfs solides se laisseront tenter par un rhum arrangé, sauce gingembre, orange-café ou à la noix de cajou ; d’autres se tourneront vers un bon jaja dégoté par leur voisin.

Car, au fond de la cour, se tient la boutique de Laurent l’épicier. Laurent a quitté Paris en 2009 : lui aussi en a eu ras-le-bol du salariat et de son boulot dans une enseigne trop fameuse de « l’industrie culturelle de masse ». Il a ouvert l’épicerie du « Couvent » en 2011. Son souhait premier est de vendre désormais des aliments qu’il a goûtés et choisis ; sa préoccupation, autant qu’il est possible, c’est de se fournir localement et auprès de producteurs qui respectent leurs terres et leurs bêtes. Depuis le printemps, il participe à la distribution des « Paniers du bocage », un regroupement trégorois de paysans et d’éleveurs, sans oublier le paysan-boulanger, le producteur de cidre et le crêpier, qui partagent la même volonté de vivre de leur travail dans le respect d’une éthique paysanne à rebours du productivisme conventionnel et des diktats de la grande distribution. Patient et persévérant, Laurent n’évacue pas les difficultés pécuniaires et de toute façon il n’est pas venu là « pour se faire un salaire de ministre ». Et puis, continue-t-il, «  il faut du temps pour que les habitudes changent ».

Laurent, Matthieu et Morwenna figurent bien entendu parmi les piliers de l’association collégiale les « Dessous de la Nonne » qui compte une dizaine d’affidés. Cet après-midi, à la découpe des légumes, ce sont Caro et Nomi qui officient tandis que, le soir, Valérie et Thierry dépèceront la brave bête qui depuis midi tourne paisiblement sur sa broche.

Mais les cochons du jeudi, l’été, ne sont pas la seule activité des « Dessous de la Nonne ». Tous les dimanches, toute l’année, on peut goûter aux joies de la « cuisine associative » : libre à chacun d’y concocter sa recette préférée et, pour sept euros, on y sert un plat, du vin, du fromage et un dessert. Dimanche dernier c’était une choucroute de la mer qui, paraît-il, cassait des briques.

Par Morwenna.

L’envie générale c’est bien sûr de rendre vivant un lieu et de créer les conditions propices à la plus élémentaire sociabilité. Ce qui n’empêche évidemment pas de mettre le nez à la fenêtre. Ainsi, cet été, le bar et la cour du « Couvent » ont accueilli l’exposition « De l’art pour les cochons » dont les peintures, photos et autres objets furent mis en vente aux enchères le 21 septembre dernier à Cavan, à 15 km de là, afin de soutenir financièrement les inculpés de Notre-Dame-des-Landes. Au mois de juin, au bar, il y avait bectance autour du livre ZAD partout édité par l’Insomniaque.

Mais il est dit aussi que rien ne peut se faire simplement quand on veut sortir de la léthargie, alors il faut aussi se coltiner l’âpre réalité. Et le « Couvent » n’a pas échappé à son lot de coups durs. Dernier en date : Rémi le boulanger, malade, a dû abandonner son four à pain, laissant vacant un des cœurs de l’activité du lieu. En 2011, c’est le restaurant-crêperie qui était ravagé par un incendie et, comme il se doit, les assurances ne s’empressent pas d’assurer.

En attendant le retour d’un boulanger ou de rallumer sous les billigs, le cochon en a terminé avec ses circonvolutions et, au pied de la chapelle, les tables se sont remplies de convives qui grillent d’en croquer : car on peut quand même bâfrer librement à l’ombre d’une chapelle, sous l’œil vigilant, qu’il soit réprobateur ou concupiscent, des soubrettes du Tout-Puissant.

Le Couvent Alternatif : 6, route de Pont- Losquet, 22450 Camlez. Tél : 09 53 97 45 16

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