L’encre, le bois, la craie… et le jasmin
Les noms de famille des occupants – Martirossian, Avakian, Aspanidze et Tasi – fleurent bon les républiques du Caucase. Et pour cause, ils en viennent, fuyant leur pays pour venir se réchauffer la liberté et le porte-monnaie au coin de la patrie des droits de l’homme. Recalées au concours de réfugiés politiques, baladées par la préfecture, ces familles se sont rapidement retrouvées à la rue, ou dans des logements de fortune. « Avec ma femme et mes enfants, nous avons vécu cinq mois dans un grenier où nous ne pouvions pas nous tenir debout », explique Spartak, géorgien et coiffeur de son état. Depuis début février, à l’initiative de l’assos Bouge Toit, ces quatre familles squattent les logements de fonction d’une école désaffectée du centre-ville de Perpignan. Le but de l’occupation ? Se faire régulariser, reloger, et contraindre le préfet à user de son droit de réquisition des logements vides. Dans la cité catalane, ils sont estimés à plus de 8 000. Pour mener à bien cette occupation, les réseaux militants locaux ont turbiné à plein régime. Gabriel : « Pour qu’on ait l’électricité, un copain de la CGT a fait appel à des camarades d’EDF. » Hortensia : « Le jardin était envahi de mauvaises herbes, nous nous sommes mis à le défricher et nous allons faire un potager. Ce qu’on voit là-bas, c’est un ancien poulailler, nous allons le retaper et y remettre des poules. » Emmaüs a filé des meubles, une AMAP de la bouffe, la Biocoop du pain, un ciné des entrées gratos pour les mouflets sans pap. Et, en écho aux révolutions d’outre Méditerranée, le lieu a été rebaptisé « École du Jasmin ».
L’un des appartements est occupé par Fatima, Zaour et leur bambine de deux ans. « Nous sommes arrivés en France en 2008. Moi, je viens d’Ossétie et Zaour est géorgien, explique Fatima. Nous avons payé 2 800 euros un passeur qui nous a conduits à Perpignan. Avant d’arriver dans l’école, nous avons passé sept mois dans une caravane. Maintenant, ici, on est bien. »
La presse locale a médiatisé l’affaire et, curieusement, le traitement est plutôt empathique. Dans le quartier, les voisins se radinent, pour voir, et font part de leur propre galère de logement. Le 13 février, plus de 150 personnes se sont retrouvées autour d’un grand repas organisé par l’école. Un succès. Prenant conscience des possibilités qu’offre ce lieu, quelques membres de Bouge Toit se prennent à rêver. Que les familles soient ou non relogées dans un avenir proche, ils ne souhaitent pas abandonner l’école, et commencent à imaginer les activités que les anciennes salles de classe pourraient accueillir. Mais la mairie a d’autres desseins, souhaitant raser le bâtiment pour construire des logements sociaux. « Le maire nous a dit que c’est une société privée, L’Immobilière 3F, qui serait chargée des travaux, s’indigne Marguerite. Une boîte privée qui n’est même pas tenue à l’encadrement des loyers ! » En attendant, la vie, têtue, continue : on a trouvé un médecin prêt à suivre une future maman, et les premiers œufs sont arrivés dans le poulailler.
Cet article a été publié dans
CQFD n°87 (mars 2011)
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Paru dans CQFD n°87 (mars 2011)
Dans la rubrique Ma cabane pas au Canada
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Mis en ligne le 18.04.2011
Dans CQFD n°87 (mars 2011)
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20 avril 2011, 08:04
dans son rapport, la fondation Abbé Pierre confirme le grave probleme du logement en France, et tant que l’on n’aurra pas instaurer un controle sur les loyers et les terrains a batir, le probleme perdurera. Toutes les gesticulations du gouvernement ne sont que du vent. Voici un article qui fait brievement le point sur la question :
http://2ccr.unblog.fr/2011/02/25/de...