Instantanés de Marseille

« Gaudin, Bouteflika, dégagez ! »

Face à Alger, un homme tape sur son tambour et les plus jeunes exultent. Dimanche 17 mars, vent et soleil, c’est le rassemblement anti-Bouteflika sur le Vieux-Port. Marseille, « la 49e wilaya », comme se plaisent à dire les Algériens de la ville. Marseille où ils sont depuis si longtemps.
Par Morvandiau

Face à Alger, un homme tape sur son tambour et les plus jeunes exultent. Dimanche 17 mars, vent et soleil, c’est le rassemblement anti-Bouteflika sur le Vieux-Port. Marseille, « la 49e wilaya1 », comme se plaisent à dire les Algériens de la ville. Marseille où ils sont depuis si longtemps.

Les chants racontent qu’il n’y aura pas de cinquième mandat pour Bouteflika. Certains lancent « Allah Akbar ! », sans grand succès. On entend : « Viva l’Algérie !  » Des drapeaux du pays sont brandis. « One two tree ; ni Bouteflika ni Saïd ! » Son frère. « Dans ce mouvement, dès que quelqu’un devient un porte-parole, il est dégagé ; c’est un peu comme les Gilets jaunes. Pourtant il faudra trouver une porte de sortie, un gouvernement », estime un manifestant.

Samia, venue avec ses trois enfants, explique qu’il y a des rassemblements dans toutes les villes où la diaspora algérienne est présente. C’est sa seconde. Elle cite le bellâtre homme d’affaires Rachid Nekkaz. Pas très convaincant : le gars a été condamné pour avoir touché des loyers de ses logements indignes.

« On ne veut pas de violence contre l’armée et la police, mais contre la mafia au pouvoir, reprend Samia. Quand je vois un Algérien qui meurt en mer en quittant son pays sur une barque, ça fait mal au cœur. Le gaz et le pétrole sont exportés vers la France. On pourrait vivre mieux qu’à Dubaï. On a l’uranium, l’or… Si l’argent était mieux distribué, les Algériens pourraient vivre dans leur pays sans émigrer. » un argument qui n’est pas repris par les anti-immigration, étonnant non ?

À 14 h 30, les chants ne cessent plus. Ils sont d’une ferveur incroyable. Sur un promontoire, des hommes prennent la parole. Des femmes sans voile protestent contre certains qui parlent fort et les ont dégagées de la tribune improvisée. Elles expliquent que l’un était du FLN, tandis que les autres scandaient « gloire à Dieu  ». Elles ne veulent plus les voir. S’il doit y avoir révolution, ces femmes-là veulent leur part. Mais sans le FIS et sans le FLN.

« Gaïd à la poubelle, Algérie plus belle »

Le dimanche précédent, le carnaval de la Plaine avait fini dans le quartier très cosmopolite de la Porte d’Aix. Opposants au maire de Marseille et au président algérien avaient brièvement convergé. Le lendemain, sur l’arc de triomphe, on pouvait lire ce graffiti : « Gaudin, Bouteflika, dégagez ! »

Trois semaines plus tard, dimanche 31 mars, c’est au pied de ce monument que quelques centaines d’Algériens se rassemblent de nouveau. Entre-temps, le chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah a laissé tomber Bouteflika : il a proposé qu’en vertu de l’article 102 de la Constitution, le Président soit démis de ses fonctions pour raisons de santé. Le régime s’occuperait lui-même d’organiser les prochaines élections, un nouveau pantin pourrait prendre la suite de Boutef et le système pourrait se perpétuer. À Marseille pas plus qu’à Alger, la foule ne s’y laisse prendre : « Le numéro 102 que vous avez demandé n’est plus attribué », avertit une pancarte. « Gaïd à la poubelle, Algérie plus belle », professe une autre.

Au téléphone, une copine algérienne nous dit qu’elle voit dans les événements actuels une « récréation » dont le pouvoir finira tôt ou tard par siffler la fin. Peut-être. Mais même s’il ne veut rien entendre, ça reste beau de le lui dire : «  Régime dégage ! »

Par Christophe Goby & Clair Rivière

1 Division administrative en Algérie, quelque part entre la région et le département.

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