BD jeunesse
Il était une fois le loup en slip
Ô joie badine ! Enfants bâillonnés et grands masqués restés des marmots à peine alphabétisés, écoutez donc : voici que sort bientôt le tome 5 du Loup en slip1. Les auteurs (Wilfrid Lupano et Paul Cauuet) sont ceux qui gribouillent la série Les Vieux Fourneaux, avec l’appui de la dessinatrice Mayana Itoïz, qui est basque comme son nom l’indique. Le scénario est donc de Lupano, un gars qui a refusé la médaille des Arts et Lettres, pour protester contre la politique migratoire et sécuritaire de la France : « Comment accepter la moindre distinction de la part d’un gouvernement qui, en tout point, me fait honte ? »
Dans le tome 1 paru en 2016, au milieu d’une forêt où les animaux vivent dans la hantise du grand méchant loup, le loup en slip déclame : « Désolé, peut-être que la peur n’est pas la seule raison de vivre ? » Dans le tome 2 (Le Loup en slip se les gèle), il recueille dans son antre tous les « pauvres » de la forêt et exige pour eux une meilleure répartition des richesses. Vous voyez souvent le mot hideux de « pauvre » dans un album jeunesse ? Non, n’imaginez pas la comtesse de Ségur racontant à des petites princesses qu’en dehors du château, il y a des pauvres souffrant de froid, de faim et de coups. Pas avec ces mots, s’il vous plaît.
Dans le tome 3 (Slip hip hip !), le loup en slip aide une mésange qui zinzinule et qui tague les affiches à participer à une course. La mésange est contre le sport-compétition. Dans le tome 4 (Le Loup en slip n’en fiche pas une), on accuse le loup de ne pas travailler. Lui rend de multiples services, aide un pêcheur, accompagne les enfants, les distrait lorsqu’ils vont chez le docteur et ne se fait jamais payer ! La Brigade anti-loups l’arrête. La Gazette de la forêt, possédée par l’écureuil – tiens tiens… –, affirme que c’est un voleur et l’emballement médiatique fait le reste. Le loup est un voleur, un paresseux, et même il aurait agressé deux brigadiers. Tous les ingrédients du mensonge médiatique sont là, les ragots et les rumeurs s’en emparent pour le modifier. En prison, une discussion sur le travail fait conclure le loup, par ces mots pleins de bons sens : « Mais enfin. Je n’ai pas besoin de la gagner ma vie. Je l’ai déjà. » Tout cela avec des rimes en « ouille ». L’écureuil estime que l’argent doit se mériter en travaillant dur mais la chouette lui rétorque que lui a tout hérité. M’enfin ! « Le loup en slip fait plein de choses chouettes et utiles. Il est libre », avoue in fine la Brigade anti-loups.
Dans le dernier opus (Le Loup en slip passe un froc), le canidé en slibard s’en prend aux marques. Quand l’écureuil lance un slip Dulou®, lui brûle le sien et se trouve un froc. Cette histoire tire gentiment sur le besoin de reconnaissance à travers les signes et les marques – ou comment être soi-même hors du système marchand. Les dessins et couleurs de Mayana Itoïz sont toujours aussi beaux et chaleureux que le Pays basque.
Lupano, qui avait participé à Éloge des mauvaises herbes, ce que nous devons à la ZAD (éd. Les Liens qui libèrent, 2018) continue à faire bouillir son vieux fourneau libertaire. Nous, nous lisons masqués, drapés dans nos peurs d’enfants.
1 Le loup en slip passe un froc (tome 5), éd. Dargaud. Sortie le 6 novembre.
Cet article a été publié dans
CQFD n°192 (novembre 2020)
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Paru dans CQFD n°192 (novembre 2020)
Dans la rubrique Bouquin
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Mis en ligne le 07.10.2022
Dans CQFD n°192 (novembre 2020)
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