Fièvre vaccinale au sommet de l’État

Étymologiquement, le préfixe cata introduit la présence de menaces, qui, aujourd’hui, sont devenues fonds de commerce des pouvoirs et mode de gestion des populations. Il y a la catastrophe alimentaire à laquelle les OGM sont l’unique réponse. Il y a les cataclysmes météorologiques combattus à coups d’interdiction de fumer et de tri « citoyen » des déchets ménagers. Il y a maintenant la catarrhale, maladie touchant les élevages ovins et bovins et contre laquelle, par décision ministérielle, les paysans se voient obligés de vacciner leur troupeau. Mais nombre d’éleveurs ne sont pas tombés en catalepsie. En attendant les catapultes ?

DEPUIS LE 1er JANVIER 2010, la vaccination des troupeaux ovins et bovins contre la fièvre catarrhale dite européenne (FCE) est devenue obligatoire. « Une véritable épidémie ! », affirment instances sanitaires, organismes agricoles et ministères. Maladie contagieuse ? Le vecteur est un moucheron, le culicoïde, qui transmet par piqûre l’agent viral. Laboratoires, organismes agricoles, officines étatiques, tout le monde admet qu’il n’y a aucun risque de contamination entre animaux, et à plus forte raison vers l’homme. Mais, en regard des 98 millions d’euros engagés par l’État pour la campagne de vaccination de 2010, destinés aux laboratoires1, les propos de Philippe Vannier, sous-directeur de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, sont de peu de poids. Il affirme pourtant que, « après infection naturelle, la durée de l’immunité est longue et dure plusieurs années » 2. De peu de poids également, l’inutilité avérée des campagnes de vaccination pratiquées depuis des dizaines d’années en Afrique du Sud et en Israël, qui n’ont pas réussi à éradiquer la maladie. Sans parler de cette extravagante volonté d’effacer purement et simplement une espèce d’insecte…

Premiers contraints à cette obligation de vaccination, les producteurs qui déplacent leurs bêtes à l’occasion de prêt, de transhumance ou de mise en

par Samson

pension. « Pour l’estive, je change de département, explique Guy, berger dans le Gard. Si mes brebis ne sont pas vaccinées, elles n’ont pas d’autorisation de circulation. Et comme nous tournons à plusieurs pour garder les troupeaux, mon absence poserait de gros problèmes à tout le monde. » Pour François, éleveur bovin en Auvergne, « en plus de permettre quelques rentrées d’argent, prendre des animaux en pension entretient les terres et les échanges avec d’autres exploitants. Pour que des pensionnaires d’un autre département puissent venir chez moi, j’ai dû faire vacciner mes bêtes. » Sans compter le risque d’écoper de 750 euros d’amende par animal non vacciné.

Guy poursuit : « Cette maladie peut effectivement être mortelle pour des bêtes déficientes. Mais, il faut savoir que c’est dans les élevages intensifs où les troupeaux vivent confinés, nourris avec des aliments artificiels et shootés avec des gammes invraisemblables de produits, que l’on trouve les animaux les plus fragilisés. » Une fois encore, en plus des visées économiques, les diktats de l’élevage industriel entraînent une mesure générale.

Constitués à travers toute la France, des « Collectifs FCO3 contre l’obligation de vacciner » réclament la liberté de choix. Les arguments de ces refuseurs, ainsi qu’ils se nomment, sont multiples. Ils certifient que la maladie n’a disparu dans aucun pays où la vaccination est pratiquée et que, au contraire, l’immunité naturelle acquise par des troupeaux non vaccinés est probante. Ils affirment que l’obligation de désinsectisation entraîne de graves nuisances environnementales. Ils rappellent que les vaccins contiennent des adjuvants agressifs et allergisants tels que l’hydroxyde d’aluminium et les sels de mercure. Ils invoquent l’existence de thérapies homéopathiques pour les animaux infectés. Ils renvoient à la tragi-comique vaccination contre le virus H1N1, bâtie sur la peur et une prétendue sécurité sanitaire. Et concluent que les 98 millions d’euros destinés à la vaccination pourraient trouver une tout autre destination pour le monde agricole.

Première riposte en vue des contrôles de gendarmerie, le « Groupement de défense des refuseurs aux obligations liées à la FCO » diffuse un vade-mecum où sont précisées « quelques idées pour gérer la situation de hors-la-loi dans laquelle tu t’es mis(e)… Ne réponds pas à des propos menaçants. Ne perds pas ton calme. Essaie que tes amis soient témoins si la police ou l’administration vient chez toi. Prends cela comme un entraînement car cela sera plus dur la prochaine fois, etc. » Le 16 février, soutenues par la Confédération paysanne et l’UFC-Que choisir, deux productrices ovines du Gers, convoquées par un juge du tribunal d’Auch, se rendent à la direction des Services sanitaires du département pour obtenir quelques explications. Ailleurs, des paysans sont convoqués en gendarmerie, comme dans la Haute-Saône, l’Ille-et-Vilaine, l’Ardèche… Le 17 février, une manifestation a lieu devant la direction des Services sanitaires de la Vienne en réponse aux poursuites judiciaires engagées contre trente-huit éleveurs du département. Cerise sur le gâteau, la directrice de cette administration affirme qu’« un protocole alternatif est possible », contraignant les paysans à payer des analyses régulières et coûteuses sur leur troupeau afin de prouver qu’il n’est pas contaminé…

Ce n’est donc pas la contamination qui doit être démontrée,mais son absence. Pas plus que ce n’est aux éleveurs de décider de vacciner leurs bêtes contre une maladie non contaminante, mais c’est à ceux qui le refusent de réclamer la liberté de choix. Quant à l’immunité naturelle, ne relève-t-elle pas d’une conception passéiste remontant à une époque où vaches et brebis étaient encore des êtres vivants ?


1 Pour exemple, la société Virbac, un des principaux fabricants du vaccin FCE, voit, par ces temps effroyables d’épidémies, une forte poussée de ses valeurs boursières.

2 Courrier du 11 mars 2009, adressé aux préfets et repris par le ministère de l’Agriculture.

3 Fièvre catarrhale ovine.

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