Rage dedans
Ferme ta gueule
2. Comme « éditorialiste au journal L’Express », Christophe Barbier développe, toutes les semaines, sur des sujets touchant notamment à l’économie, et sur une pleine page, des avis un peu tranchés.
3. Le 29 juin 2016, par exemple, il déplore que « nulle part ne pointe la réforme de l’assurance-chômage aujourd’hui indispensable ». Car en effet : personne (à part lui, devine-ton) n’a encore vraiment compris que « quand un salarié perd son travail, ce n’est pas tant d’argent qu’il a besoin » — après tout, ce désoeuvré n’est pas non plus obligé de se donner des airs de riche, genre je noie dans le beurre mes coquillettes à tous les repas que je fais – « que d’une formation ». Et qu’il convient par conséquent de lui « verser en heures de cours prépayées son indemnité de licenciement ». Car en effet (bis) : « Avec moins d’argent mais plus d’espoir le chômeur sera incité à reprendre plus vite un emploi ». (Et certes : le risque existe – on sait la tendance des chômistes à se laisser nantir en se roulant les pouces des pieds – qu’il se vautre tout de même, trop enivré d’espoir, dans la fainéantise. Mais : « Toute tentative d’oisiveté, toute tentation d’assistanat seront éradiquées par l’obligation d’accepter l’emploi proposé. »)
4. Le 14 décembre 2016, Christophe Barbier lance (encore) un vibrant appel à une « indispensable rupture sociale ». Il tonne : « Un chômeur doit peu être indemnisé au début. » Puis de préciser : « Au bout de six mois, s’il n’a pas retrouvé de poste idoine, il ne peut refuser aucune offre d’emploi – ou il perd toute aide. »
5. Comme patron de L’Express, toutefois : Christophe Barbier a semble t-il fait preuve de moins d’exigeante maîtrise qu’il n’en produit dans ses appels réguliers à toujours serrer de quelques crans supplémentaires les ceintures de celles et ceux qui ont déjà le ventre creux. Les dix ans durant lesquels il a eu le « bonheur » de diriger sa rédaction se sont en effet soldés, pour ce magazine (et nonobstant qu’il était chaque an gavé de très mafflues aides publiques), par un déficit cumulé de 86 millions d’euros, doublé d’un plan de licenciement d’une centaine de salarié-e-s1.
6. Sur Twitter, Christophe Barbier pourrait donc se présenter ainsi : « J’ai creusé un gouffre gigantesque dans les comptes de L’Express. J’ai précipité dans le chômage plusieurs dizaines de salarié-e-s. Je vais donc tenir désormais ma grande bouche très soigneusement close, et ne plus jamais proférer, en particulier, le moindre conseil dans le registre de la “rupture sociale”. » Mais il eût fallu pour cela qu’il sache un peu ce qu’est la honte.
7. Bonne année, tout le monde.
1 Qui auront, n’en doutons pas, psalmodié, après s’être fait lourder, que ce n’était « pas tant d’argent » qu’il-le-s avaient besoin.
Cet article a été publié dans
CQFD n°150 (janvier 2017)
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Paru dans CQFD n°150 (janvier 2017)
Dans la rubrique Rage dedans
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Mis en ligne le 21.09.2019
Dans CQFD n°150 (janvier 2017)
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