Rage dedans
Mais qui peut s’étonner ?
J’étais en train de penser : jourd’hui, faut qu’j’envoie mes 3 000 signes à CQFD. Et je me demandais : de quoi vais-je donc parler, au sortir d’un été rythmé par les éructations des chasseurs de burkinis ? D’islamophobie, d’islamophobie, ou d’islamophobie ?
Et juste à ce moment-là – viens me répéter après ça que l’hasard n’est qu’hasardeux : je suis tombé sur l’ahurissante – ahurissante – vidéo où un restaurateur francilien, manifestement inconscient qu’il est filmé, vire deux dîneuses voilées de son établissement au prétexte que « tous les terroristes sont des musulmans » et « tous les musulmans des terroristes ».
Dans les réseaux dits sociaux, où sa so 1930’s prestation tourne en boucle depuis des plombes ? Le mec prend très cher – et c’est bien le moins.
Mais après qu’on aura dûment rappelé que ses devanciers de l’Allemagne (et de la France) de jadis et de l’Alabama de naguère ont, avant lui, interdit leurs estaminets aux Juifs et aux Noirs : on remémorera également, par un élémentaire souci de précision documentaire, qu’en leurs temps ces atrocités ne sont – certes – pas nées de rien. Mais que, tout au rebours – : elles venaient après que des populations entières avaient été jour après jour conditionnées, par des chefferies politiques (liste non exhaustive) et pendant plus d’ans que nous n’en pourrions compter ici, à ces haines racistes.
Puis on pointera – sans écouter, il va de soi, les pitres qui gémiront qu’on-peut-quand-même-pas-comparer – que justement : notre existence est, ici et maintenant, quotidiennement ponctuée par des proférations islamophobes. Qui, depuis de longues années, ne sont plus seulement dites dans l’espace public, comme Manuel Valls vient encore d’essayer de nous le faire accroire, par « la droite et l’extrême droite1 », mais (presque) tout autant par des représentant(e)s de la « gauche » décomplexée.
Ainsi, et par exemple, ledit Manuel Valls, Premier ministre « socialiste », creusant toujours plus loin son sillon (ou peut-être faut-il parler d’ornière) identitaire, vient, en quelques semaines à peine, premièrement : de « mettre en garde2 » l’islam de France, pour mieux le sommer de faire la preuve qu’il est « compatible » avec la République. Deuxièmement : d’exhorter, après l’inénarrable Chevènement, les musulman(e)s à la « discrétion ». Troisièmement : d’apporter son « soutien » aux maires (de droite et d’extrême droite) qui venaient de prendre des arrêtés interdisant le port du burkini. Quatrièmement : de répéter que le port du voile était « une revendication politique ».
Mais sérieusement : qui peut, après cela, s’étonner que certain(e)s, baigné(e)s vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans cette logorrhée, se sentent désormais autorisé(e)s à se faire un étendard de leur xénophobie ?
1 Dans une stupéfiante tribune, publiée sur Facebook, où il appelle, après que le Conseil d’État a jugé que son interdiction était « illégale », à poursuivre « le débat » sur le burkini…
2 Selon Le Journal du dimanche.
Cet article a été publié dans
CQFD n°146 (septembre 2016)
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Paru dans CQFD n°146 (septembre 2016)
Dans la rubrique Rage dedans
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Mis en ligne le 29.05.2018
Dans CQFD n°146 (septembre 2016)
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