El Comunero

Sans préalable, l’album du groupe El Comunero, intitulé Sigue Luchando, s’ouvre par « Los Solidarios », chanson écrite par Chico Sánchez Ferlosio (1940-2003) en hommage au syndicat anarchiste espagnol fondé dans les années 1920 par ces figures révolutionnaires que furent Ascaso, García Oliver et Durruti. La voix castillane de Tomas surgit, surfant sur quelques notes d’accordéon. Passé la mise en bouche, le morceau s’enflamme, porté par une clarinette aux accents klezmer et le roulement des percussions. La galette va se poursuivre ainsi, mêlant rock et sonorités plus folk ou traditionnelles, avec comme ossature une majorité de textes puisant leur source dans la guerre civile espagnole. « Le groupe est né en 2008 autour d’un projet d’album d’hommage à mon grand-père, ancien militant andalou pendant la guerre de 36-39, raconte Tomas. Avant son décès, je l’avais enregistré à propos de son passé révolutionnaire et notamment de tous les chants antifascistes et révolutionnaires de l’époque. » Le groupe naît et se baptise El Comunero en référence au sobriquet dont était affublé le grand-père de Tomas, communiste, par ses frères d’armes anars de l’époque. Après un premier CD et une série de concerts, le groupe a ressenti le besoin de se retrouver et a enregistré une dizaine de nouvelles chansons. Cheville ouvrière du groupe, Tomas est arrivé avec des idées de chants de lutte à se réapproprier : « Ce second album s’inscrit dans la continuité du premier mais avec plus de richesse. Quant aux chansons, elles se sont imposées d’elles-mêmes. »

Il fallait une certaine audace pour s’attaquer à nouveau à « El paso del Ebro » («  ¡ Ay Carmela ! »). Ou bien peut-être inviter la rythmique de feu Noir Désir – en l’occurrence Jean-Paul Roy (basse) et Denis Barthe (batterie) – pour redonner au morceau une certaine noirceur rock. Au niveau des ovnis musicaux figurant sur l’album Sigue Luchando, on remarquera la présence de « Cancíon del Frente Unido » sur des paroles de Berthold Brecht. Les paroles, bâties comme un tract politique, tirent leur originalité du fait qu’elles ont été écrites en quatre langues. En 1938, Brecht rappelait l’urgence de soutenir le Front populaire espagnol menacé par la réaction nationaliste : « Tu es un ouvrier – oui ! Viens avec nous, ami, n’aie pas peur ! Nous allons vers la grande union de tous les vrais travailleurs ! » La plage n°10 est occupée par une autre reprise, superbe de sobriété : « The Partisan ». Popularisé par Léonard Cohen, le texte (rédigé en anglais et français) a été écrit en 1943 à Londres par le résistant d’Astier de La Vigerie. Avec de brèves images, les paroles rappellent ces solidarités dont firent preuve des Français ordinaires pour prêter main-forte aux résistants.

Chants de lutte, chants militants, la démarche d’El Comunero n’est pas forcément de s’adresser à un public acquis à la cause révolutionnaire. En témoigne l’inscription du groupe dans des programmes d’interventions scolaires. Un groupe taillé pour la scène, mais pas pour distribuer des acouphènes dans les oreilles de leur public. « Il s’agit de rappeler que l’histoire espagnole de la fin des années 1930 est un prélude à la Seconde Guerre mondiale. De rappeler le contexte de l’époque : de la lutte antifasciste aux camps de concentration, en passant par l’exil. Notre volonté c’est aussi de raconter cette histoire à des gens qui ne la connaissent pas. Qu’à la fin du concert, les gens ressortent avec des idées dans la tête. Ou bien simplement de voir une mamie de 80 ans lever le poing au côté d’un punk à crête ! »

El Comunero
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