« Nous ne sommes pas Dieu, nous ne sommes pas tout-puissants », s’emportait Rony Brauman en mars 2011 après que les premiers missiles occidentaux furent canardés sur la Libye pour, selon la résolution 1973 de l’ONU, « protéger les populations civiles ». L’ex-taulier de Médecins sans frontières se trompait. Tel un Dieu odieux, nous avons engendré tout un monde.
Un monde où, dans les centres de détention contrôlés par des milices d’ex-rebelles, l’on trouve « des personnes détenues illégalement et torturées, parfois jusqu’à la mort », selon un rapport d’Amnesty International de février dernier.
Un monde où des élus de Cyrénaïque, dans l’Est du pays, viennent de déclarer l’autonomie de leur province au sous-sol gavé de pétrole. Un monde où Amnesty peut avancer, en mars, avoir « recensé cinquante-cinq civils identifiés, dont seize enfants et quatorze femmes, tués dans le cadre de frappes aériennes à Tripoli, Zlitan, Majer, Syrte et Brega », sans que l’OTAN ne diligente d’enquêtes sur ses bavures. Un monde où, en février puis en mars dernier, des tribus toubous et arabes se sont livrées à de violents combats dans le sud de la Libye, faisant des dizaines, voire des centaines de victimes.
Un monde où des Touaregs sérieusement enfouraillés – a priori suite au pillage des arsenaux de Kadhafi et des stocks d’armes parachutés aux rebelles libyens par l’armée française – ont pris possession du nord du Mali. Un coup de force qui a servi de toile de fond au putsch militaire du 22 mars dernier, renversant le président malien Amadou Toumani Touré. Nous ne sommes pas Dieu, c’est vrai. Seulement des cons d’Occidentaux enchemisés et sûrs de leur bon droit lorsqu’ils vont porter paix, démocratie et civilisation chez les bougnoules. Et qui seront tôt ou tard contraints d’en assumer les conséquences, quelles qu’elles soient.