Déchets nucléaires : Pourvu que ça Bure pas  !

Des champs verts et gris à perte de vue. Quelques éoliennes industrielles pour casser ce morne horizon. Et une des régions les moins peuplées de France. L’Andra, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, y a vu l’endroit idéal pour construire le centre d’enfouissement des déchets les plus dangereux de notre chère industrie nucléaire. À Bure, village de 90 habitants dans la Meuse, les édiles du coin ont ainsi donné leur accord pour accueillir le funeste Centre industriel de stockage géologique (Cigéo). Le projet consiste à enterrer à 500 mètres de profondeur 99 % de la radioactivité du pays – des déchets qui resteront nuisibles des milliers d’années. Ou comment cacher la poussière atomique sous le tapis. L’industrie nucléaire y joue gros  : le Cigéo doit démontrer à l’international que la France maîtrise, depuis l’extraction de l’uranium jusqu’à la gestion des déchets, la filière nucléaire dans son ensemble. Le site démarrera pleinement dès 2017 pour que les premiers rebuts radioactifs soient enfouis en 2025.

Mais quelques énergumènes ont décidé de ne pas se laisser gentiment irradier par cette déchetterie nucléaire creusée sous leurs pieds. Réunis autour de l’association Bure Zone libre, quelques militants anti-nucléaires rachètent dans le village un corps de ferme en ruine en 2004, retapé à leur rythme. La « Maison de la résistance à la poubelle nucléaire » est devenu le lieu d’information indépendante face à la propagande pro-atomique. Pour tourner le docu À Bure pour l’éternité, les deux frangins Sébastien et Aymeric Bonetti ont posé leur caméra dans cette bicoque. Durant 52 minutes, on y rencontre des militants de tous âges et de tout horizon, réunis par la lutte anti-Cigéo, mais aussi par la volonté d’esquisser ensemble d’autres possibles. Car cette Maison de la résistance à la poubelle nucléaire est aussi un espace d’échange de savoir-faire (notamment autour de la terre), mais surtout d’expérimentations énergétiques – par exemple grâce à leur éolienne « maison » tendrement dénommée Ginette !

Quelques fragments de la pensée d’Henry David Thoreau, auteur de Walden ou la vie dans les bois, viennent rythmer ce documentaire. Les principes de désobéissance civile et d’autonomie retrouvée de celui qui s’est soustrait plus de deux ans du monde industrialisé entrent alors en résonance avec la lutte des antinucléaires de Bure. Comme pour mieux souligner que ces derniers tissent lentement une résistance en actes contre ce qu’ils considèrent comme « le talon d’Achille » de la filière nucléaire. Histoire d’ajouter une épine dans le pied à cette catastrophe techno-industrielle à l’œuvre, un « camp anti-autoritaire et anticapitaliste contre Cigeo et son monde » aura lieu du 1er au 10 août prochain à Bure1. Tout le monde est invité à rejoindre ce campement estival autogéré pour échanger sur les pratiques, les luttes en cours (ZADs, No-TAV, forêt d’Hambach en Allemagne) ou mettre en œuvre des actions concrètes anti-Cigéo… Et pour qu’un vent de résistance souffle dans les pales de Ginette.


1 Pour plus d’infos  : vmc@riseup.net.

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