Docu pas cucul
Choron, enfin !
RÉGLONS ÇA TOUT DE SUITE : Choron dernière est un film de Pierre Carles et d’Éric Martin. Pierre Carles, c’est un gars qui collabore parfois à CQFD et qui, quand il lui reste un peu de temps libre, fait des films. D’ordinaire, nous annonçons le travail des collègues en deux lignes de copinages éhontés dans l’agenda. Mais si aujourd’hui nous faisons fi de toute déontologie, ce n’est pas pour les beaux yeux des réalisateurs, mais pour ceux de Georges Bernier, alias le professeur Choron.
Le prof, cofondateur d’Hara-Kiri et de Charlie Hebdo avec François Cavanna, n’était ni dessinateur, ni vraiment rédacteur. Il était surtout « le metteur en scène et le fouteur de merde » du journal, comme dit si bien Siné. Tellement fouteur de merde que quand, au début des années 90 et après dix ans d’absence, Charlie ressuscite en journal satirique tendance bon goût spinoziste, le prof n’est pas à bord. S’ensuivirent fâcheries, vacheries, bisbilles et procès. Mais est-ce une raison valable pour faire disparaître Choron de la légende Charlie des années 70, comme le fait la nouvelle équipe depuis des lustres ? Afin d’obtenir quelques explications, les réalisateurs ont traqué Philippe Val et ses sous-fifres. L’actuel directeur de l’actuel Charlie n’apprécie guère de s’exprimer sur le sujet. Quand il y est contraint, c’est sur un ton tout aussi ridicule que suffisant : « Votre question, elle est con. Pourquoi vous vous entêtez à poser une question stupide ? », grogne le pote de BHL. L’accueil est plus chaleureux chez François Cavanna qui, ému et émouvant, se remémore son vieil ami : « Ça me fait gros, moi, la mort de Choron. On s’aimait beaucoup tous les deux, on s’aimait vraiment très fort. C’était là, ma famille. » Une famille qu’il a toutefois délaissée depuis belle lurette pour un rocking-chair au coin de la cheminée, rue de Turbigo…
Et Choron dans tout ça ? Le Choron qui nous fait marrer ? Rassurez-vous, il est là, à travers quantités d’extraits de reportages et de petits films réalisés par cézigue dans les années quatre-vingt. On y découvre – ou redécouvre – une machine géniale, « l’enculeuse d’arracheuse de betteraves », on feint l’indignation devant le « scandale de la femme coquetier », on apprend à « s’amuser sans gêner les voisins » en torturant… un mime.
Est-ce pour tenter de nous présenter le véritable Georges Bernier que Carles et Martin ont accompagné le prof sur les traces de son passé comme un vulgaire député à la retraite ? Si c’est le cas, c’est raté, car Bernier par Choron, c’est encore Choron ! Chaque phrase commence avec sérieux ,mais finit systématiquement par une sérieuse connerie. L’exode en 40 ? « Ça m’a fait marrer parce qu’on est partis vers les Vosges, vers l’Allemagne, dans la gueule du loup ! » Il en est revenu avec que des bons souvenirs qui lui font dire « qu’il ne faut jamais plaindre les enfants en temps de guerre. Ils découvrent ! D’un seul coup, c’est la liberté ! » Se baladant devant la fromagerie où il travaillait à quatorze ans,il raconte devant deux petits vieux effarés comment ses collègues lui passèrent la queue au sel pour le bizuter.Voilà pourquoi, depuis, il ressentait ce terrible besoin de fourrer sa bite dans n’importe quelle flûte à Champagne : la pauv’avait soif, à cause du sel ! Ce gars-là, c’est un enculeur de limites : celles où, quand on vous chatouille, vous ne riez plus. Il avait fait l’Indo comme para ? Il était pote avec l’inqualifiable Marc-Édouard Nabe ? On s’en branle : Choron, c’est si bon…
Cet article a été publié dans
CQFD n° 62 (décembre 2008)
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Paru dans CQFD n° 62 (décembre 2008)
Dans la rubrique Culture
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Mis en ligne le 13.02.2009
Dans CQFD n° 62 (décembre 2008)
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