L’édito du 179

Burning Men

Si demain les écocidaires formaient un orchestre, c’est sans doute Bolsonaro qui tiendrait la baguette. Mais Macron aurait de bonnes chances de décrocher le poste de premier violon...

« Notre maison brûle. Littéralement. L’Amazonie, le poumon de notre planète qui produit 20 % de notre oxygène, est en feu. » Et soudain, au milieu de l’été, Emmanuel Macron se découvrit une vocation de pompier. Pas mal, pour un fieffé incendiaire social. Le voici champion de la protection de l’Amazonie, sauveur de la canopée, héros des jaguars, bienfaiteur des anacondas, prince des tapirs et – excusez du peu – roi des paresseux ! Sauf que…

Sauf qu’en Guyane, « France équinoxiale », notre géant vert ne s’est pas distingué par son amour de la forêt. Il a longtemps soutenu le méga projet minier de la Montagne d’or, finalement suspendu grâce à une mobilisation massive de la société civile. Chaque année, son préfet délivre des dizaines d’autorisations d’exploiter à de plus petits acteurs du secteur aurifère 1. « Actuellement, les permis miniers délivrés ou en cours d’instruction par le gouvernement menacent plus de 360 000 hectares du territoire guyanais », dénonce l’association écologiste Maïouri Nature. Pis : par un décret du 4 avril 2018, ce même gouvernement a assoupli les règles de l’évaluation environnementale des projets pouvant entraîner des risques écologiques… sur le territoire guyanais.

Quant à la lutte contre l’orpaillage illégal, c’est une vaste blague. Près de 10 000 orpailleurs clandestins arpentent pourtant la forêt depuis des années. Ils coupent des arbres et asphyxient les cours d’eau, à force de rejets toxiques et boueux. Mais la seule réponse est militaire. Et dérisoire : quelques centaines de bidasses dans une jungle grande comme le Portugal, ça fait de belles images pour la télé, mais ça ne résout rien. L’ancien chef des opérations anti-orpaillage en Guyane, le lieutenant-colonel Gladieux, l’a lui-même reconnu : « Si on ne se concentre que sur le volet répressif, ça ne marchera jamais. Il faut un volet économique, social et diplomatique 2. » Soit tout l’inverse de l’approche en cours : aucun travail sérieux n’est conjointement mené par les autorités françaises, brésiliennes et surinamaises pour offrir des alternatives de survie aux orpailleurs, essentiellement de pauvres bougres venus fuir la misère des régions excentrées du nord du Brésil.

Pas grand-chose non plus n’est fait pour atténuer le mal-être des populations autochtones, souvent perdues entre deux mondes, dépossédées de leur culture et de leur forêt. Cet été, Macron a clamé sa volonté de mieux les « associer » à la gestion de l’Amazonie. Cela fait une trentaine d’années que les Amérindiens de Guyane demandent à l’État français de signer la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail, relative aux droits des peuples autochtones : la ratification de ce texte leur donnerait un vrai droit de regard sur le développement du territoire guyanais. Curieusement, notre brave chevalier des bois tropicaux n’a pas fait l’amorce d’un pas dans cette direction…

Alors certes, si demain les écocidaires formaient un orchestre, c’est sans doute Bolsonaro qui tiendrait la baguette. Mais Macron aurait de bonnes chances de décrocher le poste de premier violon.


1 « Non, la Guyane n’a pas été préservée », Mediapart (29/08/2019). Sur la question de l’extractivisme en Amazonie, lire le très riche n° 12 de la revue Z, titré « Guyane – Trésors et conquêtes ».

2 « L’or qui empoisonne la Guyane », reportage diffusé par la radio RTBF-La Première (02/06/2018).

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Paru dans CQFD n°179 (septembre 2019)
Dans la rubrique Édito

Par L’équipe de CQFD
Mis en ligne le 06.09.2019