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Réindustrialisation électorale


paru dans CQFD n°97 (février 2012), rubrique , par Jean-Pierre Levaray, illustré par
mis en ligne le 09/04/2012 - commentaires

En ce moment, dans l’agglomération rouennaise, nous vivons au rythme de la fermeture annoncée de la raffinerie Pétroplus, à Petit-Couronne. Il faut dire que cette grosse usine fait partie de l’histoire de l’agglomération. Première raffinerie française lors de sa construction en 1929, elle fut sabotée pour ne pas tomber aux mains des troupes allemandes en 1940. Les anciens se souviennent encore de ces par Efixgigantesques nuages noirs qui ont pollué la région pendant plusieurs jours.

Reconstruite après guerre, la raffinerie a été jusqu’en 2008 propriété de la Shell. Les milliers d’emplois générés par cette boîte ont permis aux communes environnantes de connaître un bel essor. D’un autre côté, si l’usine a participé à l’histoire de la région, elle participe aussi à son environnement parce que, certains matins, ça pue sur une bonne dizaine de kilomètres alentour.

Voilà le topo. Reste qu’en décembre dernier, la société Pétroplus (propriétaire actuelle de la raffinerie) a déclaré ne plus pouvoir payer ses créanciers et se trouve depuis en redressement judiciaire avant mise en faillite. Après avoir fermé la raffinerie de Reischett il y a plus d’un an, c’est au tour de celle de Petit Couronne. C’est-à-dire 550 salariés et presque autant de sous-traitants qui se retrouvent à la lourde. On le savait que ça ne durerait pas… Et ce dès le début des fermetures des raffineries françaises orchestrées par Shell. Plus encore lorsque la direction, il y a un an, a rogné sur les acquis : durée de travail, départ en préretraite, congés…

Pétroplus n’est pas une boîte d’industriels, c’est juste un fonds d’investissement basé en Suisse. Ils ont fait du fric tant qu’ils ont pu, et puis basta. Il semblerait d’ailleurs que ce groupe se traîne pas mal de casseroles financières, et qu’il ait détourné du pognon des raffineries. Ça se passe toujours pareil : les multinationales, pour se désengager de leurs usines, les bradent à des boîtes aux reins moins solides. Au bout de quelques années, les sites se trouvent fermés sans que ça touche l’image de marque du trust, et sans que ce dernier ne doive s’occuper des licenciements ni des travaux de dépollution.

Actuellement, au niveau des gros groupes pétroliers, la stratégie est la même : raffiner le pétrole brut directement dans les pays producteurs, le coût social et environnemental étant avantageux, et acheminer le carburant vers l’Europe par supertankers. Il ne s’agit pas de surcapacité de fabrication en Europe parce que « les automobiles consomment moins », comme l’ont dit pas mal de journalistes, mais bien parce que les nouvelles raffineries de Dubaï, ou ailleurs dans ce coin-là, fabriquent de très gros tonnages que le continent asiatique ne consomme pas aussi vite que prévu. Il n’y a pas surcapacité en France puisqu’elle importe près de la moitié de sa consommation via les super stockages de Marseille et du Havre.

Au moment où j’écris ces lignes, le ministre de l’Industrie Éric Besson vient de promettre qu’une solution était en vue pour la raffinerie Pétroplus. Sans doute avec le groupe Klesh. Encore un requin de la finance ! Cela se fera sans doute au prix d’une casse sociale et retardera de quelque temps les échéances. À voir après les élections.

Donc, depuis janvier, les salariés bloquent l’usine de Petit-Couronne et empêchent la sortie définitive de milliers de tonnes de carburant, comme un trésor de guerre. Des actions quasi quotidiennes ont lieu – blocages de circulation, manifs – auxquelles se joignent de nombreux salariés de boîtes locales. Tous les jours, à partir de midi, ont lieu des assemblées générales où les salariés viennent en nombre pour s’informer et voter la poursuite du blocage. Le conflit est très suivi et très médiatisé, les salariés étant victimes d’un fonds d’investissement voyou, et les politicards s’y pressent. Les deux représentants de la CGT, Yvon et Jean-Luc, que je connais depuis longtemps, semblent se prêter au jeu et font quasiment un show (plutôt Front de Gauche que CGT, d’ailleurs) pour motiver les troupes et intéresser les journalistes. Cela fonctionne, mais lorsque je vois que, dans l’assemblée, personne ne prend la parole, je me dis que la délégation de pouvoir a encore de beaux jours devant elle…



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Par Jean-Pierre Levaray


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