Ça brûle !
Ne (surtout) pas
Un bouclage CQFD, c’est pas la teuf à neuneu, t’as vu. Il y a un code à respecter, des règles fondues dans le marbre, ou bien alors tout part à vau-l’eau, ma bonne dame.
Ainsi, quand le marathon de la dead-line commence rue Consolat et qu’on s’installe à nos places respectives pour laisser fuser l’intelligence collective à grands jets limpides, il ne faut pas :
- S’engager à préparer une paëlla pour le repas collectif de midi avant de se débiner, sous peine de susciter une tornade de regards courroucés. #ni-oubli-ni-pardon
- Critiquer Linda, la chienne du secrétaire de rédac, parce qu’elle ronfle allègrement à vos pieds en rêvant de saucisses volantes – blasphème !
- Évoquer les finances du canard, sources de dépression généralisée1.
- Insulter les mamans ou évoquer leur brillante carrière dans le porno.
- Suggérer à Cécile, graphiste d’élite, que peut-être, sait-on jamais, et veuillez m’excuser gente dame pour cette impertinence, ce serait bien de placer le chapeau de l’article un peu plus à gauche – certains l’ont fait et n’en sont jamais revenus.
- Laisser Sam, notre vaillante attachée de presse et experte sommelière, gérer les relations avec notre épicier de quartier – lequel pourrait bien nous prendre en grippe pour ces accusations répétées à base de « votre Vieux Pape à 3 euros il est bouchonné, mon bon Monsieur ».
- Espérer voir le soleil de juin qui dehors tape tape tape, tandis qu’ici on croupit dans l’obscurité, tels des vampires liquéfiés.
- Lancer Lole et Gina, correctrices que Le Monde nous envie, sur l’éternelle question des lettres capitales ou pas à « Quartiers Nord », discussion qui peut s’éterniser pendant deux ou trois jours, à coups de dictionnaires dans la tronche – « Tu sais ce que j’en pense de ta cap’ à Q ? »
- Prendre la dernière bière dans le frigo et espérer s’en tirer à bon compte.
- Lever les yeux sur la nouvelle chemise d’Iffik, daltonien en chef, sans s’y être mentalement préparé.
- Comparer sa non-fraîcheur post-nuit de bringue à celle de Margaux, vaillante et pétulante au matin malgré les abus – c’est pas humain.
- Prononcer le mot « brownie » devant Tiphaine sans en avoir à disposition.
- Laisser Cécile choisir la musique - « Vous connaissez le dernier France Gall ? »
- S’approcher de l’évier de la cuisine sans combinaison de protection anti-radiations.
- Avouer à Matéo qu’on a pas lu le tome 7 des mémoires de Kropotkine.
- Critiquer les Bretons.
- Critiquer les vannes du chef.
- Appeler le chef « chef ».
- Appeler le chien du chef « serpillière de l’enfer ».
- Appeler un chat un chat.
- Me laisser faire le « Ça brûle ».
Et voilà comment un canard sauvage glisse vers le goulag généralisé et la dictature du brownie. C’est pas une vie. Ils embauchent au Figaro ?
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Cet article a été publié dans
CQFD n°177 (juin 2019)
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Paru dans CQFD n°177 (juin 2019)
Dans la rubrique Ça brûle !
Par
Mis en ligne le 07.06.2019
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