Dossier « Quand la musique cogne »
Musiques occitanes, musiques partisanes
« Le Massilia se fonde sur l’application du folklore jamaïcain à la réalité marseillaise. » Impossible dans un ouvrage sur les musiques occitanes de faire l’impasse sur le Massilia Sound System qui, à partir du reggae, s’est intéressé au parler occitan et, de par son succès, a fortement contribué à faire vivre un courant musical et culturel qui sait revisiter constamment ses influences. Pas plus qu’on n’oublierait les Toulousains des Fabulous Troubadors, dont le compositeur et interprète Claude Sicre évoquait l’occitan comme une « langue occultée de la nation, éclairant la face cachée de la société française ». Une linha imaginot se forma alors entre Toulouse et Marseille drainant toute une population contestataire et festive. Ce mouvement monta jusqu’à l’Auvergne avec Joglar’Verne, s’étendit à Nice avec Nux Vomica et dépassa les frontières établies avec Mascarimiri, groupe de pizzica des Pouilles. Tous les amoureux des langues et de leur distorsion s’y jetèrent à voix perdues jusqu’au Cor de la Plana, dont le chanteur Manu Théron sait encore défendre son quartier, avec l’hymne Touchez pas à la Plaine, écrit contre les projets de rénovation de la place marseillaise et dont il a rédigé le dernier couplet en provençal. Notons son arrangement de La Libertat de J. Clozel, un texte de 1892 dédié à un instituteur marseillais révoqué pour ses opinions socialistes. La musique occitane rayonne au féminin avec la Mal Coiffée, les Béarnais de Pagans ou la Novia en Haute-Loire.
Le chant et sa musique ont connu des aînés prestigieux tels Pèier Andrieu Delbeau, libertaire et occitan ou Claude Marti, Guevara du Midi rouge qui rendit hommage en 1970 aux braves soldats du 17 e. En 1977 sort le 45 tours : Per téner cap en soutien au militant occitaniste et antimilitariste Serge Viaule qui a renvoyé son livret militaire. À la fin des années 1970, le groupe Sauveterre, membre de l’Action culturelle occitane, s’était associé aux luttes de l’époque dans le Rouergue et le Larzac. Dans un style très différent, Fulbert Cant nous décroche la mâchoire avec sa chanson O mamé crompa me un skeit-bord, intéressante évocation du rapport entre une langue trop vite enterrée avec la modernité. Dans le sillage des aînés du Massilia et des Fabulous, la fin des années 1990 a vu s’amorcer un renouveau. À Marseille, Gacha Empega puis Dupain et Lo Còr de la Plana ont porté le flambeau de la trad’innovation. En 2015, Sam Karpienia signe avec Dupain un des plus profonds albums en langue occitane qu’il soit donné d’entendre, Sorga. Parmi les derniers arrivés sur la scène occitane, les Languedociens de Du Bartàs, dont le récent tube occitano-maghrébin Jib al-guellal assume une bâtardise salvatrice reliée à la tradition d’hospitalité des pays d’Oc. Ajoutons pour l’hommage rendu à Rémi Fraisse, tué à Sivens, Ai Mama de Rodin Kauffmann et Denis Sampieri, issus du Cor de la Plana.
Camille Martel et Jordan Saisset, Musiques occitanes, Le Mot et le reste. 2016.
Cet article a été publié dans
CQFD n°150 (janvier 2017)
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Paru dans CQFD n°150 (janvier 2017)
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Mis en ligne le 28.10.2019
Dans CQFD n°150 (janvier 2017)
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