Le Chien rouge à la pâtée BFM

Les coupables ne seront pas désignés à la vindicte populaire, pas notre genre de poukaver1. Il n’empêche qu’il faut que ces choses soient dites, le scandale dévoilé : avant-hier soir, samedi 1er décembre, entre deux rounds de manifestation marseillaise agitée, la moitié de la rédaction de CQFD a passé une grosse heure à visionner BFM-TV les yeux écarquillés, comme hypnotisée par les images du Paris insurrectionnel. Pour un canard indépendant fustigeant les médias aux ordres, ça la fout mal. Et pas qu’un peu.

Ce moment d’égarement s’est déroulé au bar de l’Est, petit troquet de Noailles au charme certain (le pastis à 1,5 euro n’y est pas pour rien). La manif contre le logement insalubre et les assassins momifiés de la mairie venait de se terminer devant l’hôtel de ville, dans les lacrymos et le début de furie, quand les coupables ont déboulé pour étancher leur soif. En fond sonore, un vieux disque de dance des années 1990 – This is the rhythm of the night, de Corona. Et dans un coin, en hauteur, un grand écran de télévision, le son coupé, branché sur BFM. 

Après quelques chorégraphies assurément déhanchées (Alèssi, nos respects, quel groove !), ils et elles ont pris place sur les tabourets du comptoir. Et là, le drame : leurs regards ont convergé en bloc vers l’écran squatté par la chaîne honnie où se jouait, entre Paris et Marseille, une sorte de clasico insurrectionnel (victoire du PSG). Pis encore : ils y sont restés collés, comme des énarques à un ministre du Budget. Oubliée la haine des journaflics. Oubliés les discours sur la télé-poubelle. Ne restait plus qu’une soif d’images choc, une chute sans fin dans le riot-porn grand public. La hchouma.

Pour leurs amis et admirateurs, le choc fut rude. Certains ont tenté de les éloigner des honteuses images. Peine perdue, ils persistaient dans l’infamie. Pour qu’ils réagissent, il a fallu qu’une odeur de gaz lacrymo s’infiltre à l’intérieur du bar, signe que dehors la manif s’amplifiait. L’un d’eux s’est étonné : « Ils ont inventé la télé avec effet olfactif ? » Et puis ils ont capté. Dans un bel envol, ils ont couru humer la révolution en piaillant.

Le lendemain, en comparution immédiate, le tribunal populaire du Chien rouge a tranché. Les fautifs sont condamnés à écouter en boucle « The Revolution will not be televised », du grand Gil Scott-Heron, aux paroles si acérées : « Tu ne pourras pas rester calfeutré à la maison, frangin / Tu ne pourras pas te défoncer, allumer le poste et t’échapper / Tu ne pourras pas te perdre dans la dope / Aller chercher des bières pendant les pubs / Parce que la révolution ne sera pas télévisée. »


1 De plus les entourages respectifs de Bruno, Micka, Clair, Tiphaine, Iffik, Sam ou Cécile le prendraient très mal.

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