Approfondir le combat

La Conf’ sauve l’honneur

Alors que les partis et syndicats de travailleurs ont déserté les campagnes et que la droite s’y engouffre, la Confédération paysanne persévère. Levier antifasciste ?
Robin Szczygiel

La lutte du Larzac et les bouillonnantes années 1970 – avec la naissance de l’écologie politique – ont historiquement donné aux « Paysans-Travailleurs », puis à la Confédération paysanne, un double ancrage dans les luttes sociales et écolos. Mais avec la concentration de l’activité économique dans les grands pôles urbains, la gauche a peu à peu oublié la campagne. La Conf’ se retrouve souvent bien seule à porter ses combats pour un changement de modèle agricole. L’une de ses revendications : l’installation d’un million de paysan·nes1 supplémentaires réparti·es en petites fermes, les plus autonomes possibles, ancrées sur le territoire, plutôt qu’une agriculture industrielle. Mais sans réel soutien, ces alternatives restent fragiles. « Il y avait beaucoup d’espoir avec l’obligation de 20 % d’agriculture bio dans les cantines inscrites dans la loi Egalim2, mais ce point n’a jamais été honoré. » nous rappelle Romain Balandier, éleveur dans les Vosges et confédéré.

Des gros réacs des agris ? La réalité est parfois plus complexe sur le terrain.

À l’extrême droite toute, la Coordination rurale (CR) a réalisé une percée inquiétante aux élections professionnelles agricoles du 15 au 31 janvier dernier. Elle rafle 29,85 % des suffrages, ébranlant au passage l’hégémonie de la FNSEA (46,70 %). La Confédération paysanne, quant à elle, est restée stable à 20,49 %.

Des gros réacs des agris ? La réalité est parfois plus complexe sur le terrain. « Derrière les grandes gueules médiatiques, tous les militants de la CR ne se revendiquent pas fachos. » explique Élise Guellier, éleveuse de chèvres et nouvellement élue représentante de la Conf’ à la Chambre d’agriculture du Loir-et-Cher où la CR a remporté les élections. « Leur victoire chez nous a brisé l’hégémonie de la FNSEA. Ça a ouvert un débat sur la démocratie et le partage du pouvoir au sein d’institutions agricoles qui n’en ont pas vraiment la culture. Or même minoritaire, la Conf’ a une voix à faire entendre ! »

Se battre pour de nouveaux modèles pourrait également permettre de rassembler plus de force. « Le projet de Sécurité sociale de l’alimentation, qui permettrait de sécuriser un budget alimentaire pour chacune grâce à une cotisation sociale prélevée à tous, est une des propositions politiques les plus fortes depuis longtemps. »3 s’enthousiasme Romain Balandier. Des expérimentations ont lieu dans différents départements, unifiant les problématiques de production agricole et d’accès à une alimentation de qualité. Une perspective mobilisatrice qui pourrait peser dans le rapport de force.

Gautier Félix

1 On en comptait 1,6 millions en 1982 contre 500 000 aujourd’hui. 200 fermes disparaissent chaque semaine.

2 Les trois lois, dites Egalim I, Egalim II et Egalim III, votées entre 2018 et 2023 étaient censées garantir le revenu du monde agricole. En 2024, suite à un audit flash, la Cour des comptes pointe des irrégularités dans le respect de la loi.

3 Lire « Du bio pour les précaires ! », CQFD n°229 (avril 2024).

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Cet article a été publié dans

CQFD n°240 (avril 2025)

Dans ce numéro, un grand dossier « ruralité ». Avec des sociologues et des reportages, on analyse le regard porté sur les habitants des campagnes. Et on se demande : quelles sont leurs galères et leurs aspirations spécifiques, forcément très diverses ? Et puis, comment faire vivre l’idée de gauche en milieu rural ? Hors dossier, on tient le piquet de grève chez un sous-traitant d’Audi en Belgique, avant de se questionner sur la guerre en Ukraine et de plonger dans l’histoire (et l’héritage) du féminisme yougoslave.

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