La guerre des deux roses n’aura pas lieu

« J’ai rêvé d’un centriste »

Marseille, 1er avril 2017. Pendant que Bennahmias affirmait son soutien à Hamon à la fin d’une réunion PS où quinze bougres se chamaillaient, Macron déployait son plus beau sourire pour un meeting à guichets fermés.

Rond-point du Prado : les taxis marseillais sont en ordre de marche contre l’ex-banquier à l’émail diamant. Ils ont ces mots de bienvenue pour chacun : « Vous allez sucer Macron, entrez c’est par là. » Sur leurs voitures, on lit : «  Macron évite de nous prendre pour des cons… On est pas des couillons ! » Ils ont mal digéré Uber.

Dans le hall qui se remplit de 6 000 centristes, la musique est à fond et six écrans géants permettent de voir l’estrade. Au milieu des drapeaux bleu-blanc-rouge déployés par des militants de fraîche date, une seule marque est vendue, celle du sauveur suprême alias E-M, alias En Marche, alias Emmanuel Macron. Pas une buvette dans cette grande messe. Geneviève, BCBG, la soixantaine, le portrait craché d’une fillonniste qui a une « certaine idée de la France ». Macron ? «  Il inspire » et « Juppé était trop vieux ». Geneviève ne supporte pas les idées extrêmes, « qu’on assimile Maghrébins et délinquants », par exemple. Pourtant, elle se sentait bien auparavant au RPR puis chez Sarkozy, saison UMP ou LR. Allez comprendre…

Par Rémy Cattelain.

Dans le carré VIP, Nicolas, 20 ans, tee-shirt « Macron Président » : « Mes parents votent UMP, mes grands-parents Le Pen. » Castaner, le député local, entame justement un discours cosmopolite contre le FN. Il cite l’évêque Pontier tout en se proclamant laïc. Faible écho dans la salle. Tout près de moi, une militante des Quartiers nord m’initie : «  Je ne me sens ni de droite ni de gauche, je rêvais d’un centriste. »

Le porte-parole du candidat sermonne les indisciplinés : « On ne siffle pas dans les meetings d’Emmanuel ! Ils n’ont pas de figures », adresse-t–il au public marseillais. Il félicite encore Estrosi, le président LR de la région élu contre le FN avec les voix de Castaner, pour sa position sur le Planning familial. Ma voisine approuve. La salle ne mord pas. Jamais depuis Éric Besson, on n’aura vu un socialiste si bien se coucher devant un élu de droite. Sauf Emmanuel qui « craint dégun ». Ben tiens ! On fait sauter le public qui se prête assez peu à ces appels faciles aux phocéens. « Emmanuel, c’était l’astéroïde, puis l’outsider et maintenant c’est le favori », lance-t-il depuis la tribune. Le grand homme est en passe de conquérir les étudiants des écoles de commerce et leurs parents. Un peu plus loin, Michel, dentiste à la retraite, s’esbaudit au moment où la rockstar entre en scène, toutes dents dehors : «  Il a du charisme, il a dû avoir un appareil », m’assure-t-il avant d’ajouter : « Il vit son aventure comme un vrai sacerdoce. » C’est vrai que je commence à voir l’auréole derrière Emmanuel. « Indignité et grande faute » pour les pécheurs résonnent dans la bouche de l’abbé Macron qui prêche au centre. Il sait faire rêver le petit commerçant : «  On va supprimer le RSI. » Sans culpabiliser le fonctionnaire.

Diana, 22 ans, étudiante franco-sénégalaise en gestion administrative, nettoie les toilettes du parc Chanot où se tenait le meeting. Elle aurait bien voté pour le Macron. Pas de bol, elle n’est pas inscrite. Pendant qu’elle change les rouleaux de PQ, Emmanuel se déchaîne contre le code du travail. Baisser les charges des employeurs, simplifier les prud’hommes, augmenter la flexibilité. Tout y passe. Tout le code trépasse. « L’ouvrier, quand l’usine devient numérique, il est pas fichu ! »

Un président « central » qui salue sous les ovations, « les Arméniens, les Comoriens, les Sénégalais, les Maliens… » Et les punks anarchistes ? (On a frisé le « Salut à toi » des Bérus). Heureusement, à la fin, tous feront de très bons Marseillais, de très bons Français…. Ouf, on a eu peur ! De la Révolution1...


1 Titre du livre d’Emmanuel Macron.

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