Dure à avaler
La chance de bien des jeunes femmes d’aujourd’hui, c’est d’avoir eu une mère féministe. Elle les a emmenées dès leurs quinze ans chez un gynécologue, qui leur a prescrit sans tarder la pilule avec un grand P.
La pilule, c’est formidable, leur expliqua la blouse blanche en fronçant un sourcil concerné, ça n’évite pas que les bébés, mais aussi les cancers de l’utérus et des ovaires, l’anémie, l’acné, les règles douloureuses, et peut-être même les mauvaises notes et les tsunamis. Elles prirent alors bravement quelques kilos et l’habitude d’ingérer des hormones tous les jours à la même heure. Elles se gargarisèrent de maîtriser leur corps, de profiter d’une liberté arrachée par leurs aînées et de le faire forcément mieux qu’elles, puisque leurs pilules étaient « minidosées » et de « troisième génération », portant des noms aussi inoffensifs et pleins de promesses que Melodia ou Jasminelle. Las, une dizaine d’années plus tard, le temps sans doute de grandir et de constater qu’aucun tsunami n’avait été évité, bien des belles à l’utérus dormant se réveillèrent comme d’un mauvais rêve. L’on se mit à arrêter la pilule et à en parler. L’on vit mycoses et autres ennuis gynécologiques subitement cesser. L’on vécut enfin agréablement ses règles, « vraies » règles qu’on sentait arriver comme on se sentait ovuler. Et surtout, l’on eut beaucoup plus envie de faire l’amour. Alors se répandit le sentiment d’avoir été « mise sous pilule » comme on est mis sous tutelle, curatelle ou protection judiciaire1 .
Nous n’invoquerons pas de complot international contre la sexualité des femmes, ni ne nous attarderons sur la récente mise au jour des effets néfastes des pilules les plus évoluées sur le système cardio-vasculaire. Nous n’évoquerons pas plus la menace que représente le stérilet (pourtant jusqu’à vingt fois plus efficace que la pilule, selon une étude publiée en mai dernier par le New England Journal of Medicine) pour les bénéfices de l’industrie pharmaceutique, et encore moins la psychose généralisée quant à la « banalisation » de l’avortement qu’il-faut-éviter-à-tout-prix. Sans doute était-ce par simple étourderie que la blouse blanche au sourcil concerné omit de préciser à sa patiente adolescente qu’outre son équilibre corporel et ses cycles menstruels, son désir se verrait lui aussi forcément transformé.
Il est tout de même curieux de constater qu’alors qu’on parvient – enfin – à mettre au point une pilule contraceptive masculine, les effets secondaires qui continuent d’empêcher sa mise sur le marché demeurent 1) la réduction de la taille des testicules et 2) le risque de baisse de libido2 . Un effet secondaire aujourd’hui avéré chez de très nombreuses femmes et qui n’a jamais empêché personne de commercialiser, de prescrire et de présenter la pilule féminine comme incontournable.
Mais la chance de bien des jeunes femmes d’aujourd’hui, c’est qu’elles sont féministes. Elles pourront toujours dire à leurs filles d’envoyer leur partenaire chez un gynécologue…
1 Cette prise de conscience a été récemment relayée, entre autres, par Gaëlle-Marie Zimmermann et Martin Winckler sur leurs sites respectifs.
2 Bernard Jégou, directeur de l’Institut de recherche sur la santé, l’environnement et le travail, déclare ainsi en toute simplicité à Libération, le 20 août 2012, que la difficulté avec la pilule contraceptive pour hommes est de ne pas altérer leur libido – et qu’il s’agit là d’un enjeu « sociétal ».
Cet article a été publié dans
CQFD n°107 (janvier 2013)
Trouver un point de venteJe veux m'abonner
Faire un don
Paru dans CQFD n°107 (janvier 2013)
Dans la rubrique Queen Kong Kronik
Par
Illustré par Caroline Sury
Mis en ligne le 22.02.2013
Dans CQFD n°107 (janvier 2013)
Derniers articles de Queen Kong
22 février 2013, 15:30
Je trouve cet article franchement réac envers les féministes. Dénoncer la dérive ("capitaliste" s’il le faut) des laboratoires c’est une chose... Associer cela au féminisme s’en est une autre... Le pilule comme le droit à l’avortement ont accompagné un certain progrès social et une certaine émancipation des femmes. Il est évident que jusqu’ici peu de personnes pouvaient se douter de la dangerosité de ces médicaments prescrits, faut-il le rappeler, non pas par le "féminisme" mais par la recherche et la médecine... Par ailleurs, il est permis de douter que tous les mères ayant été favorables à la prise de pilule par leur fille aient été de farouches féministes militantes... Non là vraiment, je ne suis pas du tout féministe et un certain féminisme exacerbé m’énerve (comme tout le monde !) mais vous vous trompez de vélo...
28 avril 2013, 11:35
Qui juge le "progrès social" ? A l’aune de quoi ? Toutes les filles autour de moi qui arrêtent la pilule se sentent mieux dans leur corps et dans leur sexualité. Je ne vois pas de meilleur progrès. Peut-être que ça ne te fait rien si la facilité de la pilule est un levier pour tenter de dérembourser et rendre plus compliqué l’avortement. Peut-être que ce n’est pas légitime pour les femmes de refuser de se gaver d’hormones, et de chercher d’autres solutions (avec les hommes, pourquoi pas !) ? Bref, je te trouve à côté de la plaque, et pour le coup franchement réac. Ce qui était considéré comme un progrès il y a 40 ans est aujourd’hui un carcan à envoyer valser, il faudrait se mettre à la page :) Bisous
26 février 2013, 19:49
Faire un lien avec les tutelles et curatelles demontre un manque complet de connaissance du dit sujet.
28 avril 2013, 11:36
Voilà un commentaire fort constructif, merci de l’avoir partagé avec nous ! (et pardon pour le sarcasme)
28 février 2013, 16:36
petit mot de soutien à Queen Kong pour qu’il n’y ait pas que des commentaires négatifs. la pilule a été pour moi une véritable camisole chimique de mon désir et de mon corps, imposée par une mère soi disant féministe dès mes premières menstrues, de sorte qu’il m’a fallu attendre des années et une maternité (la blague est médiocre, pour le coup) pour enfin découvrir ce que pouvait être le fonctionnement naturel de mon corps... ce fut une sacrée chouette découverte.
aujourd’hui il est hors de question pour moi d’entendre parler de contraception au féminin. il n’y a qu’un seul moyen contraceptif sans effets secondaires et sans danger, il s’appelle préservatif. je ne vois pas une seule raison valable pour me polluer le corps, éteindre mon désir, risquer un avc, un cancer ou une dépression (toutes les hormones du corps humain sont liées entre elles, il y a long à dire sur les effets psychiques de la pilule aussi, curieusement peu de scientifiques acceptent de s’intéresser à ce sujet...) quand il suffit que monsieur porte une capote.
en fait de libération, la pilule est la pire prison possible pour la sexualité féminine, et les féministes comme ma mère n’ont aucune excuse, la capote existait déjà et depuis longtemps. en fait de libération elles ont juste transféré l’obéissance au mari ou à l’amant sur l’obéissance au médecin, tu parles d’un progrès. il aurait mieux valu apprendre à leurs filles à imposer aux hommes l’usage du préservatif ! cette méthode a le mérite d’impliquer les hommes dans la contraception tout en les contraignant, si tant est que nos fesses les intéressent, à respecter notre volonté, ça, c’est une démarche féministe.