Le sexe masculin, c’est très simple, on voit précisément à quoi ça ressemble : un pénis, deux testicules, des poils. C’est facile à dessiner, facile à se représenter, et il y en a partout – sur les murs, dans le fromage blanc des sketches des Nuls, sur les publicités du métro, dans les marges des cahiers d’écoliers, ou encore sous la forme de l’Empire State Building, de la tour Eiffel et du siège pékinois du Quotidien du peuple. Le phallus c’est puissant, c’est omniprésent, c’est évident.
Le sexe féminin en revanche, c’est plus compliqué. D’abord, ça ne pend pas : tout est à l’intérieur. C’est insondable, étrange, secret, caché. Les seules représentations qu’on en voit habituellement consistent en des schémas médicaux en coupe, qui regorgent de concepts aussi complexes que vulgaires (qui n’a jamais traité personne de grosse Fallope ?). On raconte aux petites filles que leur sexe est un trésor ; aux adolescentes, qu’elles ne pourront pas coucher sans aimer puisqu’on n’accueille pas impunément un corps étranger dans une cavité mystérieuse ; aux femmes, que c’est la raison pour laquelle elles se masturbent plus rarement que les hommes et ressentent moins de désir qu’eux. À vrai dire, le sexe féminin est rendu si énigmatique qu’on en viendrait presque à se demander s’il existe réellement.
C’est pourtant une évidence : nous serions tous considérablement plus heureux si nous savions à quoi ressemble une vulve. Plutôt que d’avoir entre les jambes un trou inconnu et sale, les femmes auraient un vagin dont elles seraient aussi fières que les hommes de leur pénis. On se connaîtrait mieux, on serait plus à l’aise, on saurait mieux se masturber (soi-même et les autres), on jouirait plus, et l’architecture mondiale connaîtrait une diversification sans précédent – adieu phalliques tours et buildings, bonjour constructions à l’effigie d’un mont de Vénus ou d’un capuchon clitoridien.
Sans plus tarder, abattons donc quelques idées reçues. D’abord, une vulve n’a rien d’invisible : sous le pubis, outre deux paires de lèvres, un méat urinaire et l’entrée du vagin, on trouve le désormais célèbre clitoris. Certes, son gland, composé comme le pénis de corps creux érectiles, n’est que la partie émergée d’un iceberg d’une dizaine de centimètres – taille de la tige interne – mais quelle partie ! Le sexe féminin n’a rien non plus d’une béance : au repos, les parois du vagin, un tube souple et très extensible d’environ huit centimètres, sont parfaitement accolées et fermées. Enfin, il n’a rien de compliqué : des lèvres, une ouverture et un petit tunnel qui mène à l’utérus, une poche de la taille d’un poing dont le col descend dans le vagin – détail injustement méconnu : ce canal se déplace au cours du cycle menstruel et constitue une source de plaisir inexplicablement ignorée par Freud, surtout quand on le titille en levrette.
C’est toujours un peu flou ? Faites confiance aux féministes des années 1970 et à leur sens aigu de la comparaison ! Les auteures du merveilleux Notre corps, nous-mêmes [1], conseillent ainsi d’imaginer le vagin comme un rouleau de PQ, l’utérus comme une poire, les trompes de Fallope comme de petits fils téléphoniques et les ovaires comme des amandes non décortiquées. Ce qui se conçoit bien se dessine clairement… et le mot « chatte » vient aisément.
Illustrée par Caroline Sury.